Le Burundi souhaite combattre le manque récurrent de devises en élargissant la gamme de produits agricoles exportables, en incluant l’avocat dans cette liste. À partir de 2030, le pays prévoit d’exporter des avocats d’une valeur supérieure à 50 millions de dollars US par an. Malgré l’exploitation de différents types de minerais, les devises font défaut. L’avocat parviendra-t-il à changer cette situation préoccupante ?
Le gouvernement du Burundi fait face à des pénuries récurrentes de produits de première nécessité et stratégiques. Interrogé sur ces pénuries, la réponse demeure que le manque de devises en quantité suffisante en est la cause. Conscient que les devises proviennent des exportations, le président de la République, Évariste Ndayishimiye, mène depuis son accession au pouvoir des campagnes de sensibilisation auprès de toutes les catégories de Burundais pour les inciter à travailler assidûment, malgré les défis, afin d’augmenter la production et d’exporter des excédents pour se procurer des dollars.
Dans sa politique, le président Ndayishimiye a initié plusieurs initiatives agro-pastorales, telles que l’élevage de porcins, de poules, et de lapins, dans le but d’augmenter la production en un temps réduit et d’exporter le surplus. En attendant que cette vision se réalise, et que ces produits de boucherie figurent sur la liste des produits d’exportation, Gitega s’intéresse à l’avocat.
Pour orienter la production d’avocats vers le marché international et générer des devises, le gouvernement a mis en place, le 19 juillet 2024, une plateforme nationale ainsi que des comités provinciaux de gestion de la filière avocat. Selon le ministre chargé de l’agriculture, Prosper Dodiko, « L’avocat est de l’or vert si sa commercialisation se fait dans le respect des normes internationales ».
Quatrième sur la liste des cultures d’exportation
Depuis son indépendance, l’agriculture burundaise est dominée par des cultures vivrières pratiquées par des paysans ruraux. En attendant l’avènement et surtout la pérennité de l’avocat sur la liste, le thé, le café et le coton restent les seuls produits agricoles d’exportation, contribuant pour une grande part aux devises publiques.
Cependant, leur contribution en devises diminue progressivement en raison du désintéressement de la population. La quantité exportée baisse d’année en année. Selon l’Office burundais des recettes (OBR), en 2023, le Burundi a exporté du café, générant 39 216,8 millions BIF, soit l’équivalent de 13 558 098,53 USD, du thé pour 11 553,1 millions BIF, soit 3 994 157,30 USD, et du coton, dont la production ne satisfait plus la consommation locale.
Selon les agriculteurs, l’État leur paie moins par rapport aux efforts que demande la culture de ces produits. De ce fait, ils abandonnent la culture des produits d’exportation au profit des cultures vivrières.
« Si chaque citoyen cultive au moins dix avocatiers, il pourra réaliser plus de cinq millions de francs burundais (soit 1 728,61 USD) chaque année », a démontré Reverien Ndikuriyo, Secrétaire général du parti CNDD-FDD, lors d’une séance de sensibilisation communautaire pour la plantation d’avocatiers, tenue le 20 mai 2024 à Cankuzo.
L’avocat réussira-t-il à stabiliser ce marché ?
Le parti du président Ndayishimiye, le CNDD-FDD, soutient l’avocat comme une source potentielle de devises dans les cinq prochaines années. Le congrès de ce parti au pouvoir, tenu en avril 2024 à Ngozi, a décidé de mobiliser chaque citoyen burundais à planter au moins dix avocatiers, avec pour objectif d’exporter des avocats d’une valeur de 5 millions de dollars par mois d’ici 2030.
Des efforts et des espoirs de la part de la population se manifestent par la plantation d’avocatiers dans chaque ménage rural. Il est rare de trouver un ménage rural sans avocatier. Même des exploitations et projets commerciaux d’avocats se développent à travers le pays. Désiré Sahinguvu, agriculteur d’avocats à Cankuzo, possède une plantation de 10 000 ha et envisage d’étendre sa culture à 80 000 ha. Il prévoit de générer 600 millions de dollars US par an après l’exploitation de ce champ.
De plus, les cultivateurs d’avocats ayant des champs d’au moins 1 ha se sont déjà regroupés en association afin de mieux planifier et coordonner l’accès au marché international des avocats burundais. Des coopératives de commercialisation des avocats émergent partout dans le pays, entraînant une hausse exponentielle des prix sur le marché.
Il convient de noter que l’avocat burundais circule déjà dans plusieurs pays du monde, transitant principalement par la Tanzanie. Le Kenya reste le premier exportateur d’avocats parmi les pays de la Communauté est-africaine (EAC).
Eric Niyoyitungira