Au Burundi, les femmes « infertiles» passent leur quotidien sous plusieurs menaces sociales liées à leur infertilité. Souvent stigmatisées par leurs maris, belles-familles et les voisins. Elles sont appelées en effet dans la langue locale «Ingumba». C’est le cas de Stefanie Irakoze, qui a déjà sept ans de mariage mais sans aucun enfant.
Toute jeune, entre 18 et 20 ans, Stefanie Irakoze se marie à Alphonse Gatera. Ils se disent «A vie pour le meilleurs et pour le pire.» Les mots qui leur reviennent souvent en esprit. Selon son témoignage, ils avaient prononcé cela devant le pasteur de Bujumbura au Burundi en 2014.
Orpheline de père et de mère, son calvaire commence trois mois après son mariage. Son mari se réveille un jour très tôt le matin et dit : «Pourquoi tu n’arrives pas à concevoir? Tu es devenue un fardeau pour moi.»
«Ah bon», s’étonne Mme Irakoze de mots lancés comme une lance par son amour juré.
Dès lors, il a commencé à me tabasser presque chaque jour. Aussi sans assistance ni pension alimentaire. Lui mangeait et partageait au restaurant avec d’autres femmes du quartier, se lamente la femme.
Quand je lui demandais une ration, la réponse était négative. En plus de ce fardeau psychologique causé par mon mari, une pluie des injures de ma belle-famille tombent comme celle du mois d’avril. «Yaje guhonya umuryango» (elle est venue tuer la lignée), «Yazanywe n’ukuryagusa» (elle est venue pour manger gratuitement).
Des menaces des voisins, des réunions empêtrâtes
Les voisins ne perdent pas une seconde pour venir récupérer vite leurs enfants jouant devant ma porte. Elles disent que je suis une sorcière, désapprouve en pleurant, Mme. Irakoze.
Dans la foulée, des réunions successives de sa belle-famille s’organisent à son insu.
«Il faut que tu amènes une autre qui pourra te faire des enfants», déclare la famille de M. Gatera comme conclusion.
Tout a basculé dans la maison. Plus d’entretiens entre moi et mon mari, se confie la jeune femme victime de la séparation déloyale.
«D’ores et déjà tu n’as plus rien à me demander ici.» La décision a été prise, parle avec véhémence M. Gatera à sa femme.
Ce fut un coup de poignard dans le dos de la dame.
Une femme qui se trouve dans l’imposture et cherche la sol ution
Elle négocie son mari pour aller consulter le médecin spécialiste (un gynécologue). Mais l’idée est rejetée par Gatera, justifiant qu’il n’a pas d’argent.
Autrement-dit, il ne peut pas supporter les soins médicaux d’une «Ingumba» (une femme qui ne peut pas mettre au monde). Plutôt qu’il fallait essayer avec une autre femme.
Malgré cela, Irakoze ne jette pas l’éponge. Elle a recouru aux pasteurs, qui ont réussi à convaincre Gatera.
Cependant, le malheur ne vient pas tout seul. A l’hôpital, le gynécologue impose la présence à ces deux personnes concernées.
Ainsi, par la grâce divine, le médecin se rétracte dit que c’est lui (l’homme) seul qui passera les examens.
A la fin, les résultats prouvent qu’il avait un problème qui nécessite des soins. Et ce fut son dernier jour d’aller à l’hôpital, puis il (le mari) est parti ailleurs pour apparaître après six mois. Et la femme n’avait aucune nouvelle de lui.
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La problématique de l’infertilité est-elle réellement une question épineuse au Burundi ?
Le docteur Gilbert Nibitanga, obstétricien et spécialiste dans la prise en charge de l’infertilité confirme. Selon lui, les couples qu’il a déjà consultés cette année, au moins 26% sont infertiles. Dont, 30% sont des causes d’origine masculines, 20 d’origine féminines, 35 de tubeurs et 15 d’autres.
Selon cet obstétricien «les causes de l’infertilité ou infécondité, terme utilisé par les médecins, sont nombreuses. Les infections sexuellement transmissibles pouvant toucher autant les hommes que les femmes. Les avortements clandestins peuvent entraîner des infections de l’utérus, la maladie inflammatoire pelvienne et l’obstruction des trompes. L’éjaculation rétrograde (les spermatozoïdes sont dirigés vers la vessie), l’obstruction de la voie spermatique, les oreillons qui s’attaquent en même temps aux glandes salivaires mais aussi aux testicules chez les adolescents et les produits toxiques sont concernés par ce problème.
Pour Gilbert Nibitanga, l’affaire de la pathologie de l’infertilité, l’homme ne pas à l’abri. Sur ce, il doit être impérativement impliqué s’il veut que son couple soit soigné.
L’intervention du gouvernement et les humanitaires
Dans la lutte contre l’infertilité, le Gouvernement à travers le ministère de la santé publique en collaboration avec la fondation Merck a formé à l’étranger 5 Gynécologues et 5 laborantins (avril 2021) au Ministre de la santé.
Par ailleurs, un centre pour la prise en charge des couples infertiles sera mis en place dans les jours à venir à l’hôpital Roi Khaled.
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Freddy bin Sengi