Les insultes faites aux footballeurs – les insultes racistes surtout – ont largement défrayé la chronique au cours de cette saison, sur les réseaux sociaux surtout.
Il ne se passe à peine une semaine sans qu’un footballeur ne soit victime de propos ou d’actes racistes sur les réseaux sociaux.
Les stades européens, ceux d’Italie et d’Angleterre notamment, ont été le théâtre d’insultes lancées le plus souvent à des joueurs africains ou d’origine africaine.
Mais les insultes sont très souvent exprimées également en dehors des stades. Les réseaux sociaux servent aussi de canal d’expression de ces insanités.
En Angleterre, joueurs et dirigeants sportifs tentent de vaincre le racisme dans le football.
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Pour toute réponse à des insultes racistes sur sa propre personne et sa famille, le capitaine de Watford, Troy Deeney, a désactivé les commentaires sur son compte Instagram.
Mercredi 17 avril, Manchester United a déclaré qu’il allait « prendre les mesures les plus énergiques possibles », après que son défenseur Ashley Young a été insulté sur Twitter.
Que font les clubs, les autorités chargées du football et les joueurs pour parer à ce phénomène ?
Nécessité, pour les clubs, de protéger les joueurs
« La valeur marchande du transfert d’un joueur peut être déterminée par sa présence dans les réseaux sociaux. Donc si les clubs veulent en tirer profit, ils doivent aussi protéger les joueurs sur les plateformes des réseaux sociaux », explique Ben Wright, directeur des sports à l’agence de communication Cicero.
Cicero travaille avec des joueurs et des clubs de Premier League et de Liga sur certains aspects dont l’utilisation des réseaux sociaux.
Le caractère d’un joueur et sa présence sur Internet sont déterminants lors de son transfert vers un autre club. En raison de l’importance d’Internet dans la gestion de leur carrière, Cicero conseille les joueurs. Y compris quand il s’agit de réagir aux insultes véhiculées sur les réseaux sociaux.
« Certains clubs sont excellents, d’autres sont moins bons. Mais en général, ils vont tous dans la bonne direction et se rendent compte qu’ils ont ce devoir de diligence », concernant les insultes exprimées à l’aide d’Internet, a dit Ben Wright à la BBC.
Les réseaux sociaux sont une nouvelle courroie de transmission entre les joueurs et leurs fans, souligne-t-il, parlant de leur importance pour les footballeurs et le public.
« Une communication malveillante »
Chelsea a interdit l’accès au stade à trois de ses supporters lors d’un récent match des quarts de finale de l’Europa League à Prague. Cette interdiction s’explique par la diffusion sur les réseaux sociaux d’une vidéo d’un groupe de fans exécutant une chanson jugée insultante contre l’un des attaquants de Liverpool, Mohamed Salah.
La direction du club promet de sévir contre ses supporters qui seraient identifiés comme étant les auteurs de la vidéo « embarrassante ».
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La police anglaise aussi est aux aguets. Elle a arrêté un homme soupçonné de « trouble à l’ordre public aggravé par des motifs raciaux et une communication malveillante ».
Selon Ben Wright, on croit souvent à tort que les profils des joueurs sur les réseaux sociaux sont administrés, et que ceux qui les suivent contrôlent leurs publications.
Cicero ne dira jamais aux joueurs ce qu’ils doivent ou ne doivent pas faire en cas d’insultes, précise-t-il.
Mais « Kick It Out », une organisation anti-discrimination, estime que les mesures prises par les réseaux sociaux ne semblent pas efficaces. Elle a publié un communiqué, le 9 avril, « appelant Twitter, Instagram et Facebook à prendre des mesures décisives pour combattre les insultes auxquelles les footballeurs sont confrontés sur ces plateformes ».
« Les footballeurs, comme tout le monde dans la société, ont le droit de faire leur travail sans être maltraités, intimidés ou insultés », fait valoir « Kick It Out ».
Un « contenu haineux ou abusif »
Tous les footballeurs savent-ils la conduite appropriée à tenir lorsqu’ils sont insultés sur les réseaux sociaux ?
Troy Deeney dit avoir supprimé les commentaires désobligeants sur son compte Instagram, pour ne pas « exposer » ses fans et « followers » à ces « gens qui ont l’esprit étroit », auteurs des insultes.
Christian Kabasele, l’un de ses coéquipiers en club, a eu une attitude tout autre. Il a remercié les supporters de divers clubs pour leur soutien affectif, après avoir été la cible d’insultes racistes.
« Désactiver les commentaires est l’équivalent, sur les médias sociaux, des matchs à huis clos. La majorité des fans n’est pas raciste… » affirme Ben Wright, qui ne semble pas partager l’attitude de Deeney.
« Troy Deeney a des liens extrêmement forts avec Watford, et c’est dommage qu’il n’ait pas pu les partager avec ses fans [à cause des insultes qu’il a subies] », a-t-il déclaré.
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Les familles des joueurs, elles, « n’ont pas accès aux conseils, au soutien et à la formation dont disposent les joueurs, ce qui les frappe encore plus durement… » constate Ben Wright.
L’ailier de Crystal Palace, Wilfried Zaha, a adopté, face aux insultes racistes reçues sur Twitter, une approche différente de celles de nombreux joueurs. Le jeune homme de 26 ans dit qu’il a préféré rire de ces insultes et les… retweeter pour attirer l’attention des autorités du football.
Mais une telle « attitude donne à leurs auteurs la notoriété qu’ils recherchent », estime Ben Wright, ajoutant que la réaction de Zaha aurait été utile si elle pouvait aboutir à la punition des auteurs de ces publications.
Le racisme sur les réseaux sociaux est d’autant plus complexe que les entreprises du secteur (Twitter, Facebook, etc.) n’ont pas une définition du « contenu haineux ou abusif » souvent dénoncé.
En Angleterre, le gouvernement a publié un livre blanc proposant de nouvelles mesures visant à réglementer les réseaux sociaux pour protéger les utilisateurs.
Selon le ministre de l’Intérieur, Sajid Javid, le gouvernement ne peut pas « permettre aux dirigeants de certaines entreprises technologiques de fermer les yeux et de nier leur part de responsabilité ».
Un porte-parole de Twitter interrogé par la BBC déclare que ce réseau social utilise « une technologie interne » élaborée par ses propriétaires, pour déceler les « contenus insultants ».
Selon une étude récente de la Press Association, le syndicat des journalistes spécialistes du football en Angleterre, les tweets insultants visant les footballeurs de Premier League peuvent être retrouvés sur Twitter jusqu’à cinq ans après leur publication. Ce qui rajoute à la gravité des insultes.
En dehors d’Angleterre, les instances chargées du football se sont récemment prononcées sur le racisme dans ce sport. La semaine dernière, le président de la Fifa, Gianni Infantino, a exhorté ces instances, les ligues et les clubs notamment, à « appliquer des sanctions sévères » et une « tolérance zéro » aux auteurs d’actes ou de propos racistes.
Le président de l’Uefa, Aleksander Ceferin, a dit qu’il va demander aux arbitres d’être plus « courageux » et d’arrêter les matchs en cas d’insultes racistes dans les stades.
La Football Association, la Fédération anglaise de football, encourage le public à signaler tout incident discriminatoire dans le football, qu’il ait été commis sur Internet ou dans les stades, au niveau professionnel comme dans le football amateur. Des formulaires seront distribués à cet effet.
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Selon son président, Greg Clarke, la FA doit adopter « une position par défaut », qui consiste à prendre au sérieux ceux qui dénoncent le racisme ou la discrimination.
En Écosse, des représentants des clubs, de la Fédération écossaise de football, de la Ligue de football professionnel et du gouvernement ont participé à un sommet sur le racisme, en février dernier.
Du côté anglais, l’attaquant de Manchester City, Raheem Sterling, est l’une des icônes de la dénonciation du racisme dans le football. Le joueur de 24 ans a été qualifié de « pionnier » dans ce domaine, lors du British Ethnic Diversity Sports Awards 2019.
Il faisait partie des footballeurs les plus en vue, qui ont utilisé les réseaux sociaux pour condamner les propos insultants véhiculés sur les plateformes électroniques (Facebook, Twitter…).