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Le pays où tout le monde est censé arriver en retard

Elizabeth Ohene – Journaliste et ancienne ministre ghanéenne

Un artiste ghanéen fabriquant une horloge. Copyright de l’image AFP
Image caption Un artiste ghanéen fabriquant une horloge.

Lorsque le ministre japonais chargé des Jeux olympiques, Yoshitaka Sakurada, s’est vu obligé de présenter des excuses publiques pour être arrivé à une réunion avec trois minutes de retard, je me suis demandée combien de ministres, ici au Ghana, ont remercié Dieu de ne pas être japonais.

Au Ghana, les fonctionnaires arrivent souvent en retard au bureau. On s’attend à ce qu’ils soient en retard.

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Je sais à quel point cela est ancré dans nos attitudes. Lorsque j’étais ministre, j’arrivais toujours aux rencontres à l’heure prévue, mais je me rendais compte que personne ne s’attendait à me voir venir à l’heure.

Certains d’entre nous, dans le gouvernement, pensaient que si nous pouvions faire en sorte que le président arrive à l’heure, dans le cadre de ses fonctions, cela changerait les habitudes.

C’est ainsi que les conseillers du président de l’époque, John Kufuor, ont entrepris un ambitieux projet destiné à faire en sorte que lui-même vienne à l’heure, dans le cadre de ses activités officielles.

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Image caption Les Ghanéens plaisantent, disant que GMT signifie « Ghana Maybe Time » (Heure Incertaine Ghanéenne).

Je me souviens d’une rencontre où il est arrivé à l’heure prévue. L’ambiance était indescriptible : des diplomates se précipitaient vers leur siège, des dignitaires couraient à toute allure, tout comme les chefs traditionnels, sous le regard confus du président Kufuor.

Nous étions déterminés à continuer à faire en sorte que le président se rende à temps au travail, en espérant que les autres s’efforceraient de faire de même en apprenant de la ponctualité du chef de l’Etat…

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Image caption L’actuel président du Ghana, Nana Akufo-Addo (à gauche), et l’ex-président John Kufuor, ont tenté d’inciter leurs compatriotes à la ponctualité.

J’avais toujours ressenti un profond embarras à l’idée que les diplomates en poste dans notre pays semblaient passer beaucoup de temps à attendre avant le début des réunions. Et je me suis rendu compte qu’ils arrivaient, eux aussi, en retard.

Cela est peut-être dû au fait que, après un certain temps passé au Ghana, les diplomates deviennent comme des autochtones et finissent par admettre que rien ne commence à l’heure.

J’ai honte de vous dire que nous avons lâché prise après trois essais.

Les principales raisons avancées venaient des responsables du protocole et de la sécurité du chef de l’Etat. Ils ont dit, avec insistance, que le président ne pouvait pas aller à certains endroits sans les préparatifs nécessaires – lesquels pouvaient prendre du retard.

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Image caption Au Ghana, la plupart des réunions commencent avec 45 minutes de retard au moins.

Lors de son investiture, l’actuel président, Nana Addo Dankwa Akufo-Addo, a déploré cette habitude consistant à entamer tardivement les réunions officielles.

Il a promis de donner le bon exemple en venant à l’heure et a fait des efforts louables en étant ponctuel pendant les réunions officielles.

Mais cela ne semble pas avoir induit un changement d’attitude en ce qui concerne la gestion du temps au Ghana.

Les réunions prévues à 10 h commencent habituellement avec un retard de 45 minutes, voire une heure.

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Image caption Il est difficile, au Ghana, de dire quand le service religieux va prendre fin.

La forte densité de la circulation dans nos villes explique probablement en partie ces retards, car il est impossible de prévoir les temps de trajet. Cette situation donne également des excuses acceptables à ceux qui arrivent en retard.

Le trajet, de chez moi à mon bureau, peut durer 20 ou 40 minutes, une heure, et même une heure 50 minutes, comme cela m’est arrivé une fois.

Mais la densité du trafic ne peut certainement pas être la justification pour ceux qui se rendent au déjeuner à 16 h alors qu’ils sont invités à 12 h 30.

Et pourquoi votre hôte penserait-il qu’il est acceptable de vous inviter à déjeuner et de commencer à servir la nourriture à 15 h, ou de vous inviter à dîner à 19 h et de vous offrir à manger à 21 h ?

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Image caption Elizabeth Ohene (au milieu), ministre chargée de l’Enseignement supérieur, lors de la visite au Gnana de la Première Dame des Etats-Unis, Laura Bush, 17 janvier 2006, à Accra. Debout, le président John Kuffuor.

Cette culture du mépris du temps s’étend à tous les secteurs d’activité de notre pays. Quand ma couturière me promet de me faire une robe en trois semaines, la robe peut est livrée trois… mois plus tard.

Mais le problème n’est pas seulement de commencer les choses à temps, c’est aussi un problème de ne pas les terminer à temps.

L’église que je fréquente annonce des prières à 9 heures, sans indiquer la fin du service religieux, qui peut donc prendre fin à 11 h 30, ou à midi, à 13 h ou à 15 h.

Il vaut mieux ne pas regarder votre montre en de telles circonstances. Nous ne sommes pas liés par le temps.

Ecoutez la leçon de ponctualité donnée à certains de ses pairs par le président guinéen Alpha Condé, lors d’un sommet de l’Union africaine :

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Ecoutez la leçon de ponctualité d’Alpha Condé

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