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Le Niger décidé à freiner la traite des migrants

Niger
Image caption Les forces de sécurité nigériennes patrouillent à la recherche de trafiquants.

Le nombre de migrants tentant de traverser la Méditerranée pour l’Europe a diminué, ce qui s’explique en partie par les mesures plus strictes introduites sur les routes migratoires, comme le rapporte Mike Thomson au Niger.

Dans une petite cour poussiéreuse, près du centre d’Agadez, une ville en bordure du désert du Sahara, Bachir Amma, prend son déjeuner en famille.

L’ancien passeur de clandestins, vêtu d’une chemise et d’un jean bleu délavé, a clairement connu des jours meilleurs.

« J’ai arrêté le trafic de migrants vers la frontière libyenne quand la nouvelle loi est entrée en vigueur ».

« C’est très, très strict. Si vous êtes pris, vous êtes emprisonné longtemps et on vous confisque votre véhicule ».

« Si la loi était assouplie, je reviendrais à la traite des personnes, c’est certain. Ça m’a rapporté jusqu’à 6.000 $ par semaine, bien plus que tout ce que je peux faire maintenant. »

Emprisonnement des trafiquants

La loi mentionnée par M. Amma, qui interdit le transport des migrants à travers le Niger, a été adoptée par le gouvernement en 2015 sous la pression des pays européens.

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Auparavant, cette activité était tout à fait légale. Le Niger étant membre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), un principe de libre circulation des personnes est appliqué à de nombreux ressortissants de cet espace communautaire.

La police a même fourni des escortes armées aux convois impliqués. Mais depuis l’adoption de la loi, de nombreux trafiquants ont été emprisonnés et des centaines de leurs véhicules ont été confisqués.

Avant 2015, la région d’Agadez comptait plus de 6.000 trafiquants d’êtres humains comme Bachir Amma, selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) de l’ONU.

Ces passeurs ont transporté environ 340.000 migrants à destination de l’Europe, à travers le désert du Sahara, via la Libye.

Migration à l’envers

Depuis l’adoption de la loi et la répression, ce flot humain s’est réduit de façon drastique. En fait, un plus grand nombre de migrants africains, qui se sont retrouvés au Niger et qui ont vécu ou entendu parler des terribles dangers et difficultés liés à la traversée vers l’Europe, ont décidé de rentrer chez eux.

Image caption Des camionnettes emmènent les migrants d’Agadez vers la Libye.

Rien que cette année, 16.000 personnes ont accepté l’aide de l’OIM pour regagner leur pays d’origine.

Un grand centre de transit géré par l’OIM à Agadez accueille des centaines de migrants fatigués et nostalgiques.

Dans une grande hutte, une vingtaine de jeunes hommes de divers pays d’Afrique de l’Ouest assistent à un cours sur la création d’une petite entreprise.

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Parmi eux, Umar Sankoh, 27 ans, originaire de la Sierra Leone, a été abandonné dans le Sahara par un trafiquant alors qu’il n’était pas en mesure de lui payer plus d’argent.

« La lutte est si dure dans le désert, si difficile de trouver son chemin. Tu n’as rien à manger, tu n’as rien, même de l’eau. C’est si terrible », témoigne le migrant.

Aujourd’hui, M. Sankoh a abandonné ses rêves d’une vie meilleure en Europe et n’a qu’une seule idée en tête: « Je veux rentrer chez moi ».

« Ma famille sera heureuse parce que ça fait longtemps, alors elle doit croire que je suis mort ».

Image caption Carte montrant les itinéraires des migrants à travers le Niger

Les garde-côtes interceptent des navires

Des milliers de migrants qui arrivent en Libye sont vendus par leurs trafiquants à des ravisseurs qui essaient de récupérer des milliers de dollars de leurs familles dans leur pays d’origine.

Ceux qui ne peuvent pas payer sont souvent torturés et parfois obligés de demander de l’argent à leur famille par téléphone. Ils sont détenus dans des conditions atroces pendant des mois.

Une grande partie du pays étant en proie à la guerre civile, de tels gangs peuvent y opérer en toute impunité.

Dans un effort de réduction du nombre de migrants se dirigeant vers le sud de l’Europe par bateau, dont des milliers se sont noyés en chemin, des garde-côtes formés par l’Union européenne (UE) tentent d’arrêter ou d’intercepter des embarcations souvent fragiles.

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Ceux qui sont à bord sont ensuite emmenés dans des centres de détention, où ils sont exposés à la promiscuité de la surpopulation, aux passages à tabac et aux travaux forcés.

En novembre 2017, l’UE a financé un programme spécial pour évacuer les réfugiés les plus vulnérables dans de tels centres.

Offres légales de réinstallation

Dans le cadre de son programme de lutte contre la migration irrégulière, qui est géré par l’agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR), un peu plus de 2.200 personnes ont depuis lors été transportées par avion vers le Niger voisin, un pays relativement plus sûr que la Libye.

Là, dans une enceinte de la capitale, Niamey, ils attendent la chance d’être réinstallés dans un pays européen, dont le Royaume-Uni, ainsi que le Canada et les États-Unis.

Jusqu’à présent, un peu moins de 1.000 personnes ont été réinstallées et 264 ont été acceptées pour une possible réinstallation. Les autres attendent…

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Abdul Karim, un jeune Somalien, est arrivé dans ce complexe il y a un peu plus de trois semaines après six mois terribles dans les griffes d’un gang de ravisseurs libyens.

« Quand j’étais en Libye, je n’ai pas vu le soleil pendant six mois parce que nous étions sous terre ».

« C’était si difficile de respirer et si tu parlais, on pouvait te tuer. Il y avait beaucoup de gens, ils sont morts dans cette prison », dit-il.

Abdul Karim m’a dit que lui et neuf autres otages avaient réussi à maîtriser un de leurs gardes et à s’échapper, bien que deux d’entre eux ont été tués par balle en s’évadant. Ils ont ensuite été secourus par la police qui a informé le HCR.

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Guérir par la musique

Parmi les réfugiés les plus vulnérables évacués de Libye figurent les enfants non accompagnés.

Nombre d’entre eux ont vécu des horreurs similaires à celles d’Abdul Karim et ont emporté avec eux au Niger le souvenir de leurs cauchemars de longue date.

Mais un centre de réhabilitation dans la capitale nigérienne tente d’y remédier.

Image caption La musico-thérapie aide les migrants rentrés de Libye à faire face au traumatisme.

Les sonorités saisissantes d’un orgue électrique se mêlent aux doux battements des tambours et au toucher des cordes de guitares dans une petite salle poussiéreuse de la banlieue de Niamey.

Une douzaine d’adolescents migrants sont littéralement absorbés par les cours de musique qu’ils reçoivent: on leur enseigne ici les bases de la composition musicale.

Un garçon assis à l’arrière du groupe, le regard dans le vide, semble avoir l’esprit troublé et évidemment ailleurs. Mais la plupart des yeux restent rivés sur leur jeune professeur de musique sénégalais, Adel.

Il me dit que beaucoup de ces jeunes migrants ont du mal à exprimer leurs pensées, leurs traumatismes enfouis au plus profond d’eux-mêmes, mais il croit qu’apprendre un instrument les aidera.

« La musique n’a pas de limites. Et même si vous êtes triste, la musique peut l’exprimer. Donc, s’ils apprennent la musique, c’est comme une voix pour qu’ils parlent », dit Adel.

Image caption Le dessin d’un enfant dans un centre de réadaptation pour migrants représente un voyage dans le désert.

« Forcé de boire de l’urine »

Une pause organisée par l’Unicef, l’agence onusienne en charge de l’enfance, a donné l’occasion de parler au garçon au fond de la salle dont l’attention avait paru ailleurs un peu plus tôt.

Le jeune homme de seize ans, qui a requis l’anonymat, a révélé ce qui est arrivé à son groupe lorsqu’ils traversaient le Sahara.

Quand ils n’avaient plus d’eau, ils étaient obligés de boire leur propre urine et les trafiquants, qui demandaient toujours plus d’argent, les battaient tous et violaient les femmes à plusieurs reprises.

Mais il semble que des séances comme celle-ci l’aident lentement à récupérer.

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« Quand je suis arrivé au Niger, je n’arrêtais pas de penser à de mauvaises choses, comme quand un de mes amis est mort alors que nous traversions le Sahara ».

« Mais j’ai été occupé et la musique m’aide à oublier ces mauvaises choses. »

Pour des dizaines de milliers d’autres réfugiés et migrants encore en Libye, qu’ils soient dans des centres de détention sordides ou détenus par des ravisseurs, le cauchemar continue.

Peu de chance d’être secouru dans le désert

Bien qu’il y ait eu une forte baisse du nombre de migrants africains en route pour l’Europe, les risques sont maintenant plus grands que jamais pour ceux qui facilitent ce voyage illégal.

La loi interdisant le transport des migrants dans le nord du Niger a conduit de nombreux trafiquants à emprunter des itinéraires plus dangereux pour éviter d’être arrêtés par les patrouilles de police.

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Ces voies les emmènent plus loin des points d’eau, vers les zones infestées par les groupes armés et parsemées de mines terrestres.

Les chances d’être secouru dans des endroits aussi désolés et hostiles sont souvent extrêmement faibles.

Image caption Nombre de décès de migrants en Méditerranée depuis 2014

L’immensité du désert du Sahara, une région environ quatre fois plus grande que la Méditerranée, signifie également que les corps de nombreux migrants qui y ont péri ne seront peut-être jamais retrouvés.

Le représentant du HCR au Niger, Alessandra Morelli, estime que beaucoup plus de migrants ont perdu la vie dans cette mer de sable impitoyable que dans la Méditerranée.

« Nous, la communauté internationale, le HCR, disons que pour chaque décès en Méditerranée, il y en a au moins deux au Sahara, inconnus et anonymes ».

« Définitivement, les routes sont plus dangereuses et plus coûteuses. »

Le trafic rapporte de l’argent

De retour à Agadez sous un soleil ardent, un jeune homme, le visage partiellement dissimulé est sur son téléphone en train de faire des affaires.

Ibrahim, qui nous parle sous anonymat, se prépare pour son prochain voyage à travers le Sahara en Libye.

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Sa tâche consiste maintenant à trouver suffisamment de migrants pour remplir la camionnette qu’il conduit pour un trafiquant d’êtres humains local.

Loin de s’inquiéter de la répression qui l’oblige à emprunter des routes secondaires plus longues et plus dangereuses, Ibrahim sourit. Parce qu’il est payé à la journée, il gagne maintenant plus d’argent que jamais.

« Dans le passé, le voyage vers la Libye prenait trois jours, mais maintenant il peut prendre une semaine. Et parce que ces routes secondaires me font traverser des zones minées, on fait payer les migrants deux fois plus cher ».

Image caption Une fois que les camionnettes quittent Agadez, elles doivent travers une mer de sable.

Le jeune trafiquant affirme que les bandits et les groupes armés sont d’autres dangers qui justifient des prix plus élevés.

Pas à court de clients

Il dit avoir renoncé à cette activité risquée après que l’UE a offert aux contrebandiers comme lui une série d’incitations à abandonner cette activité.

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Il s’agissait de leur donner des motos, des réfrigérateurs ou du bétail pour les aider à démarrer un nouveau métier… mais il n’a jamais rien reçu; dit-il.

« S’ils nous donnent de l’argent, on arrêtera définitivement ».

« Depuis deux ans, ils nous promettent de nous en donner, mais nous n’avons encore rien reçu. C’est pourquoi nous devons retourner à ce travail, nous ne pouvons pas rester sans le sou. »

Une association créée à Agadez pour représenter certains des 6.000 anciens trafiquants d’êtres humains de la région affirme que seul un petit groupe a reçu quelque chose.

Image caption Despite the restrictions Agadez will remain a place for migrants to head for

Beaucoup, comme Ibrahim, sont donc retournés à ce métier dangereux. Il semble qu’ils ne seront pas à court de clients.

Lors d’une soirée à Agadez, un convoi de camionnettes remplies de migrants a pris, à toute vitesse, dans le désert, la direction du nord.

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D’autres, comme Sophie Herman Mbambi du Congo-Brazzaville, attendent de les rejoindre bientôt. Convaincue qu’elle n’a plus rien à perdre, elle n’est pas découragée par les risques terribles qui l’attendent.

« Si j’étais resté au Congo, je me serais suicidée parce que je n’avais ni famille ni argent pour vivre ».

« Donc, même si je dois mourir, je préférerais que mon cadavre soit ailleurs que dans mon pays. »

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