Présenté par l’inspection générale des finances (IGF) comme le principal auteur de la débâcle financière du Parc Agro Industriel de Bukanga Lonzo, engloutissant plus de 100 millions USD, l’ancien Premier Ministre et actuellement Sénateur, Augustin Matata Ponyo, sera enfin devant la barre pour soupçon de détournement des deniers publics. La date de son procès, apprend POLITICO.CD des sources au sein de la Cour constitutionnelle, est fixée pour le 25 octobre prochain.
L’ancien Premier Ministre Matata est poursuivi pour détournement des deniers publics alloués à ce projet. D’autres personnes sont également citées. « Le procès sera public », confiait à POLITICO.CD le 30 aout dernier, une source proche du dossier.
L’entourage de l’ancien Premier Ministre estime que la justice travaille à « double vitesse ». Selon ses proches, « les tireurs de ficelles veulent en finir avant la rentrée parlementaire ».
Victor Tesongo, l’un des proches de Matata Ponyo attend de la Cour constitutionnelle de ne dire que le droit. Pour ce praticien de droit, « il y a plusieurs irrégularités et le dossier va d’irrégularités en fraude » : « Nous demandons à la cour de dire simplement le vrai en lieu et place de pouvoir se comporter en kamikaze comme l’a fait le Procureur Général près la Cour Constitutionnelle qui a saboté les lois du pays en privilégiant l’influence politique en complicité avec le bureau du Sénat. Le juge Constitutionnel doit simplement se déclarer incompétent sur cette affaire pour la simple raison que le Sénateur Matata Ponyo est couvert des immunités parlementaires ».
Ce que l’on reproche à Matata
Lancé avec pompe en février 2014, le parc agro-industriel de Bukanga Lonzo devrait servir de grenier à la mégalopole Kinshasa, forte de ses 12 millions d’habitants. Mais hélas, ce projet a tourné à un fiasco. A l’ère Tshisekedi, l’IGF a mené des enquêtes pour élucider les véritables causes de cette débâcle.
Le rapport de l’Inspection Générale des Finances est accablant. Ce dernier relève plusieurs griefs à charge du Sénateur et ancien Premier Ministre Augustin Matata Ponyo dans la débâcle du Parc agro-industriel de Bukanga Lonzo. Au terme de ce rapport, Augustin Matata est reconnu comme l’auteur intellectuel de la débâcle de ce parc. Et cela à travers la conception, la planification et les engagements pour paiement de plus de 83% de fonds décaissés directement au profit des comptes du partenaire sud-africain et de ses filiales logés en Afrique du Sud, ainsi qu’au profit de la société MIC Industries.
Ledit rapport pointe le docteur Matata Ponyo également dans le choix du partenaire sud-africain Africom qui n’avait que trois ans d’existence au moment de la signature du contrat de gestion et de ses filiales. Et ce, en violation des procédures de passation des marchés publics, spécialement les articles 17 de la loi n10/010 du 27 avril 2010 relative aux marchés publics.
Les conclusions de l’IFG imputent au Premier Ministre honoraire le détournement constaté de 7.392.162.577 CDF, l’équivalent de 7.989.408,08 USD pour l’achat de Ultimate Building Machine pour le compte du parc alors que ce paiement n’a pas été reconnu par Africom, qui passait toutes les commandes des équipements, matériels et intrants agricoles. Cet équipement n’a jamais été livré au Parc en considérant le compte-rendu de la réunion de service du 4 mai 2017, présidée par le DG de Parcagri Ida Naserwa.
Il est aussi reproché au sénateur Matata d’avoir initié et payé à la société Desticlox une somme de 510.883,84 USD au titre des frais de gestion, sans titre ni qualité dans le chef de ce dernier, car le prestataire qui avait signé le contrat de gestion avec l’État congolais est Africom. Un cas de détournement des fonds conclut le rapport.
Un autre grief, c’est la complicité de détournement à travers les engagements et paiements des sommes au titre de libération du capital social au-delà du montant de la quotité due par l’État congolais dans les sociétés Parcagri SA, Separgri SA et Marikin SA.
L’IGF accuse Augustin Matata de négligence coupable pour ne s’être pas rassuré de mécanismes prudentiels de garantie de bonne gestion par le partenaire. Ce qui a entraîné l’opacité dans la gestion par le partenaire sud-africain et la surfacturation des biens et services au point qu’Africom était le seul à déterminer les besoins en investissements, passait les commandes, fixait les prix et achetait les équipements, matériels et intrants, sans être mis en concurrence avec d’autres fournisseurs. Africom devenait ainsi juge et partie durant tout le cycle de vie du projet.
Enfin, le dernier reproche concerne aussi l’abstention coupable. Mais cette fois, c’est pour n’avoir pas mis en place des mécanismes minima pour garantir la surveillance dans l’utilisation des fonds décaissés par le Trésor public. Pour l’IFG, il aurait fallu mettre en place un service d’audit interne ou comité de suivi et de tenir la comptabilité sur place en RDC. Cette négligence a facilité la surfacturation.
Dans sa réponse insérée dans le rapport de l’IGF, le Premier Ministre honoraire insiste sur le fait que la Primature et le Chef du Gouvernement n’étaient nullement impliqués dans la gestion des fonds du projet. C’est l’entreprise Africom qui, d’après Matata Ponyo, était seul responsable de l’exécution technique et financière du projet sur base du contrat dûment signé entre elle et les quatre membres du Gouvernement.
La Primature n’en était pas signataire, précise Matata.
En réaction à cette argumentation de l’ancien Premier Ministre, l’IGF estime que la débâcle de ce parc ne se réduit ni à la simple signature du contrat de gestion entre l’État congolais et Africom, ni à la gestion quotidienne par ce dernier. Il se situe aussi bien à la conception, à la planification, au choix du partenaire et aux actes de gestion. Par ailleurs, le Premier Ministre honoraire intervenait, selon l’IGF, tout au long du cycle de vie du projet tout au moins à travers le fait que le Bureau de l’ancien Premier Ministre était le centre d’engagement de toutes les dépenses du projet. C’est à ce titre que le paiement en faveur de MIC Industries pour l’achat constitue un acte de gestion courante.
Le rapport de l’IGF n’épingle pas que Matata Ponyo. Plusieurs autres noms sont cités, avec des détails sur la responsabilité de chacun d’eux dans ce document confidentiel auquel Politico.cd a eu accès. L’on y retrouve par exemple l’actuelle Députée Nationale Louise Munga, Ministre du Portefeuille à l’époque des faits ; l’actuelle Sénatrice Ida Kamonji, Directrice Générale de Parc Agri à l’époque des faits ; Matondo Mbungu, Directeur Général du Bureau Central de Coordination (BCECO); et biens d’autres noms qui seront dévoilés prochainement.