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Cerveaux burundais à l’étranger : un retour impossible ?

En Afrique, la question de la fuite des cerveaux se pose avec de plus en plus d’acuité. Le Burundi ne fait pas exception.  Entre ceux qui  penchent pour  le  retour  au  pays  natal et ceux qui hésitent encore ou qui ne l’envisagent même pas, la question est loin d’être tranchée. 

En 2011, au mois de novembre, dans le premier numéro de son magazine, le groupe de presse Iwacu posait cette question : « Où sont nos cerveaux ? ». Ce numéro dont le contenu reste d’actualité dresse le contour de la question. Des maigres salaires à l’éternelle question du patriotisme en passant par les conditions de travail au Burundi, tous les points semblent avoir été abordés. 

« Eternel recommencement ou le passé qui ne passe pas » ? La question reste malheureusement posée. Twitter et Yaga aidant, les échanges qui ont eu lieu Samedi dernier sur le sujet montrent à quel point la question reste problématique. 

Qu’en pensent les concernés ?

Ces échanges ont tout de même le mérite de dégager un certain consensus, au moins sur point : « Il est possible, pour ceux qui sont à l’étranger,  de contribuer au développement du pays ». La  preuve, c’est le Dr Canesius Uwizeyimana, professeur d’universités qui  confie avoir fait des allers-retours depuis 2013 pour aider les étudiants en mal d’enseignants dans certaines matières. Ceci avant qu’il  ne se décide de rentrer pour de bon. Mais, même de loin, il est possible de contribuer pour le développement de son pays, témoigne Huguette de YouLead.

Pour Boris Horugavye, le souci, en ce qui concerne le patriotisme, est que la majorité de ceux qui partent en formation à l’étranger ne comptent, en aucun cas retourner au pays.

Ce point de vue, il n’est pas partagé par d’autres membres de la diaspora à l’instar de Kayobekirabura.  Elle qui revient aussi sur le rôle des ambassades et avoue ne même pas être au courant de l’existence de l’ambassadeur du Burundi dans son pays d’adoption, les Etats-Unis. Sur ce point Ndihokubwayo Fabrice réplique que « tout dépend du dynamisme de la représentation du  Burundi dans tel ou tel autre pays », et de souligner les mérites de l’ambassade du Burundi en France pour ses efforts pour fédérer les étudiants burundais dans ce pays.

Même son de cloche chez un certain ShylerMugabo, résident en Allemagne, pour qui l’accès aux informations sur son pays est problématique. Lors de ces échanges, il a été souvent question d’une certaine réticence des Burundais de la diaspora par rapport aux partages des informations.

« Mais devons-nous tous rentrer ? », s’interroge finalement un compatriote vivant à l’étranger. « Non. Et rentrer ou rester n’est pas synonyme d’aimer ou de  haïr son pays. Surtout qu’il est aussi possible de profiter de ses vacances au Burundi pour apporter sa pierre à l’édifice. Et cela se fait souvent même si ce n’est pas toujours connu du grand public »

Quid des conditions de retour ? 

On le voit donc, au delà de l’aspect patriotique, envisager le retour n’est pas l’option la plus privilégiée des Burundais de la diaspora. Mais alors quelles sont les conditions pour que le Burundi puisse voire ses cerveaux rapatriés ? Sur cela, les avis sont partagés. Pour Landry Ninteretse,  avant de parler des conditions du retour, tempère-t-il, il faut d’abord se mettre d’accord sur les conditions de départ. D’autant plus que tous ne sont pas partis pour les mêmes causes.  Et pour lui, le confort et la sécurité qu’ils bénéficient là où ils sont ne sont pas toujours présents au Burundi. D’où cette réticence à regagner le bercail. Ce manque de confort fait également hésiter Kayobekirabura, elle qui, au départ, pensait  pouvoir rentrer dès la fin de ses études.

Mais toutes ces conditions, reconnaît Landry, ne doivent pas être remplies pour envisager le retour.  « Il va falloir avoir des gens qui se sacrifient, qui tracent le chemin aux autres ». Il reconnaît tout de même que les pouvoirs publics doivent aussi prendre le lead pour impulser le mouvement de retour des compétences de la diaspora. 

Pour y arriver, conseille Horugavye, « le  ministère des affaires extérieures  devraient mettre sur pied une commission qui devrait aller rencontrer les étudiants à l’étranger », histoire de s’informer sur leurs compétences et leurs besoins.

Est-ce suffisant ? Ce n’est pas ce que pense une certaine Kyza, elle qui pointe du doigt la dimension politique de cette affaire. Elle revient sur la corruption qui a pignon sur  rue, les complications au niveau des ambassades du Burundi et bien sûr l’information de qualité fait défaut, selon elle. 

Ce point de vue, elle le partage avec un autre compatriote basé à l’extérieur du pays : « La réalité est que même au niveau des ambassades, les considérations partisanes sont toujours là. Si tu n’es pas du bon camp, tu es toujours écarté. Et avec ça, on est vraiment loin du compte ».

Toute une brochette de défis qu’il va falloir relever pour que le Burundi profite pleinement des compétences de ses intellectuels partis voir là où l’herbe est plus verte. Ce n’est pas le Sénégal qui dira le contraire, lui dont de la contribution de sa diaspora est de loin supérieure à celle des bailleurs de fonds traditionnels. 

 

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