En proie aux crises récurrentes, le Burundi tente, tant bien que mal, de reléguer au passé les pages sombres de son histoire. C’est tout sauf facile quand on connaît les atrocités que le pays a connues depuis quatre décennies. Mais alors comment réussir ce pari ?
Le pays de Mwezi en a connu de toutes les couleurs en matière de crises violentes. Sans se lancer dans un délicat exercice de statistiques, le fait est que ces crises ont coûté la vie à des milliers de Burundais. Ici aussi, inutile de se lancer dans la concurrence des mémoires qui semblent avoir pignon sur rue par les temps qui courent. N’en rajoutons pas davantage.
Pour faire la lumière sur ce passé trouble, la Commission Verité et Réconciliation est à l’œuvre. Actuellement, elle sillonne tout le pays à « la recherche de la vérité perdue », pour caricaturer Marcel Proust. Une tache qui n’est pas moins problématique. A ses soutiens s’opposent ceux qui pensent qu’elle est au service d’une partie de la population, qu’elle entretient une mémoire sélective au détriment de celle collective. Mais entre les deux, il y en a qui pensent que rien n’est perdu. Que la réconciliation est toujours possible, à quelques conditions.
Comment arriver à une réconciliation effective ?
Cette question, entre autres, a été répondue au cours d’un atelier de deux jours organisé par l’association « Tugendere Ubuntu » pour la Consolidation de la Paix, ATCP en sigle, l’ancienne « Initiative et Changement Tugendere Ubuntu » sous la thématique : « Le rôle des acteurs étatiques et non étatiques dans la prise en compte des aspirations de la population par rapport à la réconciliation nationale ».
A l’aide des anecdotes sur Nelson Mandela, Léonidas Nijimbere, chef de projet chez ATCP, paraphrasant le leader Sud africain dira que « quand vous voyez un humain commettre des atrocités à un autre humain, ne pensez pas à le condamner mais pensez à le sauver ».
Et Chantal Bakamiriza, cadre à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) de le compléter par l’une des conditions de la réconciliation. Cette dernière suppose l’acceptation de vivre ensemble, pour recoudre le tissu social. La réconciliation, dit-elle, c’est aussi la justice transitionnelle avec ses quatre aspects que sont le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à la réparation ainsi que le droit de garantie de non répétition. Ce sont là donc les besoins de la population par rapport à la justice transitionnelle.
Mais tout cela n’est possible que dans un environnement politique qui le permet, nuance l’ambassadeur Balthazar Habonimana de l’institution des Bashingantahe.
La CVR réussira-t-elle ?
Une précision d’abord de Pierre Claver Ndayicariye, président de la commission: « La Commission n’a pas de pouvoir judiciaire, et au Burundi, la vérité est au service de la réconciliation ».
Pour lui, la paix est impossible si nous continuons à baigner dans le mensonge. La réconciliation doit donc impliquer tous les Burundais mais éviter la globalisation. Surtout que l’ethnie en soi ne tue pas.
Brossant un tableau idyllique des activités d’une commission cherchant à vivre et survivre ensemble, Ndayicariye pense aussi qu’on ne peut pas gérer les victimes sans penser aux auteurs.
Mais selon un participant, colonel à la retraite du nom de Tharcisse Minani, pour s’en sortir toutes les parties, hutu et tutsi doivent assumer ce qu’ils ont fait. D’où son appel à la CVR de chercher la vérité dans tous les côtés, hutu et tutsi. Parce qu’au-delà des bahutu et des batutsi, pense Pie Ntiyankundiye, ancien maire de la ville, ce sont des Burundais qui sont morts. Construire le Burundi à partir d’une vérité réelle. Une vérité qui réconcilie. Qui n’omet pas une partie pour s’occuper de l’autre partie, semble le compléter Léonidas Nijimbere.
Et à Balthazar Habonimana de suggérer à la CVR de penser à toutes les crises pour réconcilier les ethnies avec une attention particulière aux crises de 1972 et 1993. Ceci pour une mémoire partagée au détriment des mémoires parallèles.