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Le Kirundi et les TICs : un mariage (im)possible ?

Le monde célébrait le 21 février la journée internationale de la langue maternelle. Le Kirundi reste une des langues pauvres de par le contenu sur la toile et manque cruellement de vocabulaire élémentaire utile à l’ère de l’internet. Une réalité qui n’est cependant pas une fatalité.

Nombreux sont ceux qui ont été secoués par la récente vague d’indignation à l’annonce du nouveau protocole d’utilisation de données personnelles. Messages chiffrés de bout en bout, Qr code, une novlangue de geeks à s’y perdre a été longuement utilisée.

Mais que doit-on comprendre de ce parler en Kirundi facile ? Carl Nshimiye, étudiant en programmation trouve tout bonnement que « ce sont des mots à prendre comme ça. Il serait difficile d’aller chercher des équivalents en Kirundi ». Même son de cloche pour Claude Ndayikeze, lauréat de l’Université du Burundi dans la filière de traduction, rédaction et terminologie : « Pendant les trois années que j’ai passées à la fac, nous ne nous sommes pas aventurés sur ce terrain. », révèle-t-il.

Cela n’est que la partie visible d’un immense iceberg. Il suffit de se rendre sur certaines plateformes comme Facebook pour se rendre compte de la piètre qualité de ce qui y est présenté comme traduction. « De quoi faire retourner Ntahokaja mille fois dans sa tombe ! », ironise Ndayikeza.

La bataille n’est pas perdue

Si le Kirundi peine à se tailler une place dans le monde des TICs, ce ne sont pas les entreprises du domaine qui sont à blâmer. C’est l’avis de Franck Nijimbere, doctorant en intelligence artificielle à l’université d’Oxford au Royaume-Uni.  «  Ces plateformes utilisent des algorithmes de traduction automatique utilisant la quantité de données traduites en Kirundi présente en ligne », explique-t-il.

Pour y arriver, il faudrait d’abord qu’il y ait un volume assez conséquent de publications en Kirundi traduites dans une autre langue au mapping important comme le Français ou l’Anglais. « Une autre alternative, poursuit cet ancien stagiaire en génie logiciel chez Google, c’est qu’il y ait beaucoup d’informaticiens, chercheurs et linguistes qui travaillent sur le problème de traduction instantanée des langues autochtones. Je n’en connais pas au Burundi mais je sais qu’il y en a beaucoup au Nigeria par exemple. »

Ce souci se retrouve également dans le monde académique qui est l’une des sources de contenu publié sur la toile de par les recherches. Le professeur Ferdinand Mberamihigo, linguiste et doyen du département des langues africaines à l’Université du Burundi reconnaît que « le Kirundi n’a pas assez de mots relatifs aux TICs. »

L’universitaire avance ce qui serait la cause de cet état de fait. « La vie des mots est fonction du contexte de leur emploi. Or, la culture des TICs est encore faible au Burundi. Ces mots techniques devraient être validés par une commission multidisciplinaire mais malheureusement pour le Kirundi, elle n’a jamais été mise en place. Il faut que l’autorité prenne conscience de la relation complémentaire de la langue et les TICs.»

L’espoir reste de mise. Un jour, on pourra accepter les fameuses règles de confidentialités en Kirundi ou faire ses achats sur Amazon, le produit décrit en Kirundi, pourquoi pas ?

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