Malgré la pression policière, plusieurs commerçantes ambulantes restent visibles au centre-ville de Bujumbura. Au mois de janvier, le président du sénat avait plaidé pour elles. Qu’en est-il de leur situation actuelle ?
Depuis 2017, les autorités municipales pourchassent les commerçantes ambulantes au centre-ville la capitale économique du pays. Aujourd’hui, elles sont encore là. La majorité d’entre elles occupent les alentours de l’ex-marché central de Bujumbura. Elles vendent des fruits, des biscuits, des légumes, etc.
Après le récent discours du président du Sénat aux élus locaux de la mairie de Bujumbura, certaines commerçantes se sentent protégées. « Le président du Sénat a entendu nos cris et nos larmes. Les policiers ne vont plus nous embarquer dans les camionnettes comme des marchandises», confie Janette. En outre, le président du Sénat devrait plutôt exiger des sanctions sévères envers les policiers qui les maltraitent. Pour d’autres, comme Claire, ce discours ne changera rien.
D’une part, Emmanuel Sinzohagera a appelé les policiers et les élus locaux à faire preuve d’humilité et à avoir le sens de dignité dans le traitement des commerçants ambulants. D’autre part, il a rappelé que les commerçants devraient respecter la loi. « Il n’a pas vraiment plaidé en notre faveur car il n’a pas demandé à la mairie de nous autoriser à faire notre commerce», déclare une commerçante.
Des conditions de travail toujours difficiles
Josiane a du mal à raconter ce qu’elle endure. Assise sur le trottoir en face de l’ex-marché central de Bujumbura, cette veuve étale du petit pois et des carottes dans son panier. « Je m’attends toujours à la police et je suis prête à fuir », confie-t-elle.
Au même instant, une autre commerçante angoissée interrompt notre conversation. C’est séraphine, habitant de la zone Gatumba. Larmes aux yeux, elle se lâche : « Les policiers peuvent nous surprendre à n’importe quel moment puis nous embarquent dans les pick- up.» Souvent, elles restent deux ou trois jours au poste de police et doivent payer une amande avant d’être libérée. Quand elles sortent du cachot, elles reviennent au même endroit. « Nous ne pouvons pas abandonner. Ce commerce est source de survie pour ma famille. »
Une fois aux arrêts, les produits sont confisqués par la police. Cela constitue une grosse perte pour ces femmes dont certaines sont à la fois veuves et chef de ménage. Elles sont obligées de recommencer à zéro.
Elles ne cèdent pas
D’après cette jeune femme, les policiers les accusent de perturber la sécurité et de violer la loi. « Cet argument ne tient pas, dit-elle. Aucune commerçante impliquée dans les bandes de criminels ou de voleurs n’a été arrêtée ».
Malgré la pression de la police, ces commerçantes ne cèdent pas. Aline, veuve et mère de cinq enfants témoigne : « Je persévère. J’encaisse un gain 4000 BIF par jour.» Grâce à ce revenu, elle paie le loyer et la scolarité de ses enfants.
Cette femme veuve confie qu’elle exerce le commerce ambulant de légumes depuis une dizaine d’années. Ce commerce est son seul gagne-pain et fait vivre sa famille malgré les tracasseries policières.
Les dures conditions de travail ont contraint ces commerçantes à tisser des relations de solidarité entre elles. Certaines femmes collectent de l’argent pour rendre visite à leurs consœurs incarcérées. Si l’une d’entre elles est emprisonnée, les autres cotisent pour la rendre visite. « Nous errons dans la rue comme des brebis sans berger. Nous avons besoin de soutien pour nous développer », constate Aline.