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Histoire

#ThePoliticianWeWant : Bururi, toute discrète

La commune Bururi porte le même nom que la province. Ceux qui ne l’ont pas encore visitée ont une idée préconçue de la région et de ses habitants. Et pourtant… Découverte.

Bien que le climat du Burundi soit tropical, à Bururi, on se croirait en zone tempérée. Il est 18h, un froid de canard et la brume s’installent. Les rues se vident au fur et à mesure que l’obscurité gagne du terrain. Les gens se hâtent d’être à l’abri du froid. 

Eric, 25 ans, étudiant en gestion à l’université des Grands Lacs, Campus Bururi est l’un d’eux. Il vient de réviser son syllabus, il passe son examen dans 3 jours. C’est du moins ce qu’il raconte à son groupe d’amis rencontrés au bar chez Claude, non loin du marché en face du rond-point, lieu de stationnement des véhicules de transport. Il est à la fois ambitieux et pessimiste. « Je voudrais  être mon propre patron et investir dans le tourisme », déclare-t-il à ses amis. L’un d’eux raille légèrement : « Réserve-moi un poste, je t’en prie. ». Faisant semblant d’ignorer l’ironie de son ami, Claude poursuit, l’air renfrogné que nous percevons à la lumière dégagée par une veilleuse : « Pourvu que le contexte change et que le climat des affaires s’améliore. »

Tout doucement, nous lui demandons en quoi ce contexte dérange. Jusque-là, il n’avait pas encore remarqué notre présence. Il se tourne, scrute mon visage avant de toner : « Tu vis  où toi ? Au Burundi ? Ne vois-tu pas la corruption qui gangrène notre pays ? Comment peut-on prospérer avec une concurrence déloyale ? » Face à son ton sec, je rétorque sans sourciller : « D’après vous  comment surmonter ce défi ? ». De façon spontanée, il répond : « On a besoin des dirigeants qui offrent une égalité de chance à  tous les entrepreneurs. » 

Des opportunités négligées

En dehors du climat rude surtout en cette saison pluvieuse, la commune de Bururi dispose d’un patrimoine touristique inexploité. En zone Muzenga, il y a un sanctuaire des martyrs de la fraternité du Petit Séminaire de Buta. Entre la zone Munini et la zone Bamba, sur la colline Muyange, se trouvent  les eaux thermales surplombées par la chaîne de montagnes Kibimbi. C’est un site bien aménagé mais inaccessible à cause de la dégradation des routes. Ceux qui s’y rendent pour des raisons thérapeutiques ou touristiques font recours aux véhicules tout terrain ou une moto. 

Sandrine, 32 ans,  est une rescapée des massacres de Bugendana de 1997. Elle a eu une blessure à la jambe droite au niveau de la cheville, dont la cicatrice lui fait encore mal : « Elle me démange souvent mais j’avoue que ces eaux  soulagent mes douleurs »,  confie-t-elle. Originaire de Gitega, elle vivait avec son mari dans la ville de Bujumbura. Son époux est porté disparu depuis 2015. Avec trois enfants sous le bras, sans aucune ressource financière, elle a décidé  de s’installer chez sa belle-famille en commune Bururi et gagne sa vie comme serveuse dans un bar. « Je mène une vie de misère, s’il y avait beaucoup de touristes, je monterais une petite affaire ici, mes enfants et moi  pourrions nous en sortir. Hélas, on ne peut rien faire car ce site est enclavé. Et malheureusement cela semble ne pas être une préoccupation pour nos administratifs. » 

Une jeunesse mal dans sa peau

Un avenir meilleur, un rêve lointain pour certains jeunes comme Yves, 28 ans, chômeur. Il est assis au pied d’un des arbres géants « Imigoti », la seule espèce qui encercle les eaux thermales et qui plante un décor paradisiaque. D’après lui,  cet endroit est magique. Il s’empresse de nous raconter le mythe selon lequel un arbre qui tombe prédit la mort de quelqu’un du clan des « Barazi », qui ont découvert pour la première fois ce site sous la dynastie de Mwezi Gisabo,  d’où le nom de « amashuha y abarazi ».  

Notre interlocuteur est fier de nous faire découvrir sa région natale, mais réticent  pourtant à nous faire part de ses rêves. Il avoue qu’il se sent inutile et sans appartenance. « Malgré mon diplôme d’enseignant, je ne peux pas m’approcher des fonctionnaires. Étant si fauché, je me sens inférieur. De l’autre côté, c’est inconvenable de rester avec la masse  paysanne car nos mentalités divergent. Me tourner vers d’autres chômeurs, des lamentations et des frustrations meublent chacun de nos échanges…du coup, je préfère m’isoler », explique le jeune homme.

Yves est conscient qu’il existe d’autres jeunes dans la même situation que lui.  Il trouve que le Burundi devrait avoir des politiciens philanthropes,  aussi bien dans la mouvance que dans l’opposition pour qu’ils s’investissent dans le développement et l’exploitation du patrimoine national, au lieu de traire une vache agonisante. 

La commune Bururi comprend 5 zones dont Bururi, Gasanda, Muzenga, Munini et Bamba. Le chef lieu de la province se trouve à proximité de la  réserve naturelle Magufa, avec une variété d’arbres et d’animaux sauvages, notamment les chimpanzés. A Muzenga, il y a le sanctuaire des martyres de la fraternité du Petit Séminaire de Buta. Entre la zone Munini et la zone Bamba, sur la colline Muyange, se trouve les eaux thermales surplombées par la chaîne de montagnes Kibimbi. Des atouts touristiques qui, cependant n’attirent pas grand monde. 

 

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