Avec une capacité d’accueil de 4.194 personnes, le taux d’occupation dans toutes les prisons du Burundi était de 273,3% jusqu’au 27 décembre 2019. Avec une telle surpopulation carcérale, quelles sont les conditions de vie à l’intérieur des quatre murs ? Témoignage d’un ex locataire de la prison centrale de Mpimba.
Mon séjour à Mpimba est une odyssée inoubliable. Un certain 31 mai, J’y suis entré vers 18h. Après avoir passé plus de 5h au parquet, je n’avais qu’un souhait : dormir. Quant au confort, je ne me faisais pas d’illusion. Pourtant, je n’avais jamais imaginé être confronté à un monde où le strict minimum de survie, dépend de billets de banque disponibles.
En attendant l’enregistrement, les « Bibamba », terme employé pour désigner les nouveaux venus, logent dans une salle nommée Safisha. Il n’y a pas de lit ni matelas. Une fois franchi le palier de la porte d’entrée, les odeurs nauséabondes et les bourdonnements des moustiques constituent notre comité d’accueil. Et c’est là qu’une voix à l’intérieur de moi m’interrogea : « Mon Dieu, où vais-je dormir ? »
Comme s’il venait de lire dans mes pensées, un homme assis au fond de la salle dans un groupe de 5 à 8 prisonniers se leva tout en déclarant à ses compagnons : « Ngiye kurya ikibamba ». Je ne tarderai pas à connaître la signification de ces mots. Il s’adressa à moi directement : « Un carton ou un matelas ? Selon ton choix, tu vas payer entre 2000 et 5000 Fbu. ». J’optai pour le second choix. C’était juste un morceau de chiffon délabré, j’y ai à peine posé la tête et les extrémités supérieures de mon corps, dans l’espoir d’un lendemain meilleur.
Des logements selon la classe sociale
L’affectation des logements tient compte du niveau de vie. Ça se fait en présence des « capitas généraux », nom attribué aux chefs des 12 quartiers qui composent la prison. Dans ces quartiers, il y a le haut standing soumis aux dérogations spéciales, les moyens, les bidonvilles et des espaces vides pour les sans-abris. Le dénominateur commun entre ces derniers, est la non-gratuité d’accès. Le prix varie d’un quartier à l’autre. La collecte se fait par les chefs de quartiers. En ce qui est de l’utilisation des montants reçus, l’entretien des lieux est le motif avancé. Un autre point commun est le surnombre des locataires par rapport aux prévisions. Ce qui limite les conditions d’hygiène.
À titre d’exemple, le quartier dit Infirmerie B ou « Tingitingi », devrait héberger 2 à 4 personnes, mais le nombre de prisonniers peut arriver jusqu’à plus de 15, avec une seule toilette. Pour y avoir accès, il faut payer entre 200 000 et 300 000 Fbu.
Au « Mineur adulte » avec 16 chambres, deux latrines, le nombre prévu pour chaque chambre passe de 2 à plus de 4 personnes. Au moment où ce bâtiment dont les frais d’accès au logement varient entre 100 000 et 250 000 Fbu était réservé à 36 personnes, le nombre de prisonniers peut dépasser 150. Ceux qui ne parviennent pas à se caser dans les chambres dorment dans les corridors.
Il existe aussi des bidonvilles comme Bwagiriza, Ghana,… des centaines de prisonniers vivent comme des réfugiés non assistés. Ils construisent des abris de fortune sur base de tentes usées, de tôles rouillées, des sacs, endossés aux murs des clôtures. Malgré cela, pour y loger, il faut une contribution qui varie entre 6 et 20 000 Fbu. Ceux qui y vivent s’estiment heureux par rapport aux sans-abris de Birongozi, l’ex-terrain de basketball et ceux du marché. Ils passent la nuit à ciel ouvert et pour trouver une place, ils doivent payer entre 1000 et 5000 Fbu. Cet argent dépend de l’emplacement stratégique dans le temps et dans l’espace compte tenu de la saison sèche ou pluvieuse, que la place soit proche ou pas des rigoles ou des sentiers.
Ration alimentaire : coupe-faim
Sans compléments alimentaires, on ne peut pas compter sur la maigre ration de la prison pour manger à sa faim. Les prisonniers ont droit à un seul plat de pâte et de haricots par jour. Le matin vers 10h, une pâte équivalent à 350g est distribuée. Il faudra attendre de 15h à 16h pour recevoir 250 g de haricots. Êtes-vous conscient de cet intervalle ?
Les riches s’en passent et s’approvisionnent ailleurs, à l’extérieur de la prison, ou au centre de négoce à l’intérieur de la prison. Les démunis se mettent au service de ces derniers, en retour ils peuvent encaisser leur part de ration journalière, afin de manger à leur faim.
L’histoire nous a montré des hautes personnalités comme les ex-présidents, ministres, les généraux, les hommes d’affaires, qui sont passés un jour dans la case prison. Vous qui tenez les rênes du pouvoir aujourd’hui, faites des projets pour améliorer les conditions carcérales. Qui sait si demain vous ne serez pas parmi les locataires de ce lieu? Si ce n’est pas vous, ce sera peut-être une de vos parentés proches ?
Note de l’éditeur : l’image utilisée pour illustrer cet article est une photo de concept libre de droit. Elle ne montre pas l’intérieur de la prison de Mpimba.