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Burundi 2020 : « Demain je saurai si je rentre ou pas »

Ça y est, la CENI a fini de défroisser les derniers bouts de papiers pour nous dire à qui dégager le passage demain ! Dans quelques heures, c’est la proclamation. Le destin de mon pays se dessine sous un œil perplexe. De l’exil, je ne suis qu’un observateur confiné. Accroupi(e) dans ma cellule, seule une pensée tique : notre liberté sera-t-elle dé-confinée ? 

Las de cette vie de hasard, je me demande si bientôt je plierai ma tente et rejoindrai mon champ où rien n’a fleuri depuis ma course errante. Si demain ton postérieur fait son ascension au fauteuil souverain, me rendras-tu encore vie ou m’enverras-tu de nouveaux colocataires ?

Parti un mandat collé au dos, une botte au cul, fuyant torse-nu le canon fumant, j’attends le verdict. M’ouvriras-tu la porte de la maison ou la fermeras-tu à double tour ? Que mon immigration soit choisie ou subie, mon retour ne dépend que de toi. Ressusciteras-tu mes rêves en trêve ou les enfouiras-tu sous terre ? Laisseras-tu mes yeux contempler le soleil couchant au-dessus du Lac ou les enfumeras-tu de gaz ? Locataire de Ntare Rushatsi House, ta présence refera-t-elle ressentir à l’enfant les bras de sa mère, au mari la chaleur de sa douce, le père tâter le visage de son fils ?

Quel cheval vaut la mise ?

Depuis que la caravane de simagrées caressantes et de concerts élévatoires a été lancée, mes oreilles n’ont pas pris du repos. Cacophonie de prières pharisiennes, jets de torts mutuels érigés en projets de société, mes tympans ont failli céder. Dans mon sommeil évanescent, je les entends encore scander ces slogans peu catholiques, repris en chœur par des bambins qui sucent encore le pouce. Je les entends s’entrer-casser la gueule pour un fanion. Ces mêmes jeunes qui ne figurent ni à la table, ni au menu après leur euphorie. 

Mais en quelles mains placer mes fugaces espoirs pour les sept prochaines années ? Celles de l’Ingénieur-Disk Joker qui, d’un pas de génie, glisse du seuil de la retraite  à la piste des prétendants à la fonction suprême? Ou celles du Parti du père de la démocratie ? Pourquoi pas l’indépendant humanitaire-pasteur-coach entrepreneur converti en homo politicus ou alors l’économiste qui s’essaie à la politique rationnelle ? Sommes-nous prêts pour ces profils ? Bah, désolé, les caméras du monde vous filment en figurants. 

Switch à la symphonie de promesses du Parti du Prince (ou plutôt ce qu’il en reste). Mon cerveau ne peut que saluer l’imagination. « Des routes qui passent par-dessus le toit alors que même le peu qu’on a sont en déroute ? ». Tel Jésus prenant pitié des pieds de ses disciples, l’invasion des chiques n’aura pas tant empêché un leader de dormir. Car voyez-vous, vous pouvez brûler comme la braise, tousser, éternuer, gerber si ça vous tient, ça ne vous empêchera pas d’aller coller la voisine au bureau de vote en pleine pandémie du Covid-19. Mais par contre, si votre pied zigzague suite à cet impertinent parasite, vous risquez de prendre la direction opposée et gâcher au parti une voix chère. Mais est-ce assez pour parier dessus mon retour ? Je préfère faire encore le tour. Et il n’en reste que deux…  

Deux éléphants dans le sprint final…

Ils disent que les carottes sont déjà cuites, mais l’annonciateur n’a pas encore pris le micro. Du camp de celui qui promet de drainer la barque du changement, on crie aux notes partielles, fabriquées grâce au réseau coupé. De celui qui brandit le glaive de l’héritier divin, on appelle à arrêter de jouer au rebelle, à descendre de la tour et vider le verre à la gloire de l’évidence. 

Les maths, encore les maths… Le calcul au Burundi a été et sera toujours une affaire de pros. Difficile d’avancer de classe ou d’avoir la logique de son côté quand on n’est pas pro. Déjà qu’on n’a pas encore résolu l’énigme de ce qu’équivalent 1+1, une autre guerre de chiffres se profile. De là où je me terre, vos passe-passe pénètrent mes oreilles. Autant souhaiter que vous ne vous rentriez pas dedans. Car, si cela advenait, je ne rentrerais pas jouer le rôle de la fourmi. 

Je n’ai malheureusement pas eu le privilège de jouer au casino électoral. Le hors-la-frontière qui peine même à sortir le nez pour respirer le grand air a été dispensé de ce devoir civiquement périlleux. Mais ceux qui ont pu maculer leurs doigts d’encre, soit pour perpétuer l’héritage soit pour changer d’encrage, espèrent que vous leur mènerez au bon rivage. Je me parjurerais si je vous disais que je me souviens d’un de vos projets. Vos slogans si. Mais qu’on ait voté pour vous par instinct ou qu’on ait pensé à vous par procuration, quand la fumée blanche sera dégagée, nous saurons quel amour vous portez pour votre nation. Et à ce moment-là, je saurai si je rentre ou si je reste.

 

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