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« Voici comment j’ai vécu le 20 mai » : ils se confient

Retour sur un jour historique. Des jeunes burundais nous partagent les pensées profondes qui les ont habités pendant la journée électorale du 20 mai 2020. 

Yazid Ndikumana : « J’ai voté pour l’éducation »

L’école se meurt. Des élèves terminent un parcours scientifique sans savoir à quoi ressemble un laboratoire. Des élèves décrochent des belles notes en langues sans savoir à quoi ressemble une bibliothèque. L’école souffre d’un marasme budgétaire. Tout ça me perce le cœur. J’ai voté pour l’école.

La précarité estudiantine fait des ravages. La faim, le dénuement, logements indécents, le chapelet des douleurs est long.  L’avenir du pays, ce n’est pas le nickel, le coltan ou je ne sais quelle autre terre rare. 

Sans matière grise, les matières premières minérales nous mèneront à grossir les rangs des scandales géologiques. J’ai voté pour que cela change.

Kamana Lionel Vaillant : « À quoi bon aller voter ? »

À quoi bon aller voter ? Ces cinq mots m’ont traversé l’esprit toute la journée. J’étais en déplacement pour le travail dans une province du Sud du pays. Et pour voter, j’étais obligé de descendre à Bujumbura (parce que l’article 2 de l’arrêté numéro 006/CENI/2020 du 07/05/2020 portant changement du lieu de vote ne me permettais pas de voter là où j’étais). Et puis, ma bonne mauvaise raison m’a dit : « D’ailleurs, à quoi bon payer mon ticket aller-retour pour aller à ces élections-là, dans desquelles les gens semblent connaître les gagnants par avance ? » Les slogans de la campagne électorale sont on ne peut plus clairs. En plus, le candidat que je veux n’est pas parmi ceux qui ont plus de chances de passer. Je ne suis pas allé voter. 

Herve Rugamba : « J’aurais exprimé mon opinion quoiqu’il en soit »

Vivant dans Muha, aller voter dans la commune Ntahangwa où je m’étais inscrit ne me posait aucun problème. Ça, c’était la veille. Mais, en voyant la route à faire et le soleil ardent du jour J, j’ai pensé abandonner, à un moment. Deux bus pour l’aller et deux autres pour le retour.  « Pourquoi endurer toute cette peine alors que l’on sait que l’issue (fatale ou non, ça dépend de qui juge) est connue d’avance ? » ; me dis-je, coupable d’une peccadille de sentiment dont je ne serais le seul accusé. Malgré cela, je l’ai fait ! YATOYE, trois fois. J’aurais exprimé mon opinion quoiqu’il en soit. Et cela me rend suffisamment fier.

Rivardo Niyonizigiye : « Un moment d’une satisfaction éphémère ! »

Avec toute la soif d’une justice équitable, d’une paix durable, du respect des droits de l’Homme, d’un pays prospère, d’une bonne gouvernance,… La soif d’une liberté totale, et surtout la nostalgie d’une liberté d’expression que j’avais un jour vécu, je suis allé voter, ce 20 mai 2020. 

Et comme un maître devant une pile de copies d’examen de ses élèves, j’ai trempé mon doigt dans l’encre pour dire : « Toi, je te fais confiance pour m’étancher ma soif … ». 

Malheureusement, je me suis rendu compte que je rêvassais, comme l’élection libre, démocratique, transparente et apaisée n’est qu’un rêve dans mon pays.

Malgré tout, j’ai déposé ma voix dans l’urne. 

Un moment d’une satisfaction éphémère !

Dorain Hakizimana : « Le plus à craindre est à venir »

Burundi, Bujumbura. Jour J pour les élections du nouveau gouvernement pour le septennat à venir. Tout en me promenant avec mon annulaire gauche imbibé d’encre indélébile comme preuve de ma participation à ces élections, j’ai un sentiment partagé. D’une part, un sentiment d’une élection plus paisible que les précédentes. D’autre part un sentiment d’inquiétude. Je n’aime pas prendre part aux rumeurs, mais se réveiller en trouvant les réseaux sociaux bloqués n’incite pas à la sérénité. Mais pour le moment tout est calme. Le plus à craindre est à venir. Que se passera-t-il lors de la proclamation des résultats ? Je ne veux même pas y penser…    

 

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