Journée historique pour certains, le 20 mai 2020 était le rendez-vous électoral pour des millions de Burundais, dont l’enjeu ultime a été de choisir un remplaçant au président Pierre Nkurunziza. Des jeunes burundais nous partagent les pensées profondes qui les ont habités pendant cette journée.
Alain Horutanga : « Comment allons-nous gérer le moment crucial qui est la proclamation des résultats ? »
Je me suis réveillé le matin en pensant à la gestion de l’après-élection. Je ne suis pas allé voter pour une fois de plus, pour des raisons ambiguës. Ça a toujours été ainsi entre moi et les élections. Même si j’essayais de l’expliquer ici, personne ne comprendrait [rires]. Mais dans ma tête, une question me revenait à chaque fois : « Comment allons-nous gérer le moment crucial qui est la proclamation des résultats ? » La veille, au travail, nous avions eu du mal à l’entrevoir avec des collègues, dans une discussion à la burundaise. On s’en remettait à la fameuse phrase magique et conclusive, magique tel un mantra qui nous a été légué par nos aïeux et qui veut tout dire et ne rien dire à la fois : « Les Burundais sont imprévisibles !». Mais franchement, j’ai été fier et surpris de voir des gens se promener, la tête haute balançant fièrement l’index gauche de la main marquée par l’encre.
Spageon : l’étranglement d’un vote libre
La veille, je me suis endormi très déterminé : « Tôt le matin, je suis le premier à la porte du bureau de vote ». Le matin, je me sens encore fatigué. J’ai besoin de rester au lit encore plus longtemps.
Tard dans la journée, je me sens inspiré. Je sors précipitamment de chez moi et me dirige illico au bureau de vote. Dans la petite cachette, j’ai le cœur lourd. C’est comme si tous ces gars sur les trois bulletins me sont soumis. Je me sens fort, eux faibles. J’imbibe vivement mon index avec un tampon violet et je marque devant qui je veux comme président. Je viens de voter. Je suis content et j’ai même envie crier : « Ooh ! J’ai voté ! » Mais, ce policier qui me toise devant le bureau de vote, l’œil noir et la mine renfrognée sous le soleil accablant, me terrorise. Je baisse ma tête et je m’en vais.
Ivan Napoléon : le citoyen responsable
J’avais épinglé « 20 mai 2020 » depuis un certain temps. Cette date me rappelant, en tant que citoyen, ma part dans le progrès du Burundi. J’ai déposé mon choix dans l’urne étant animé par un sentiment de grandeur, de fierté de donner mon opinion sur la voie de prospérité et l’avenir de ma patrie.
Comparativement aux élections de 2015 (ma première expérience comme électeur), celles de cette année me sont spéciales. Réseaux sociaux aidant, j’avais eu l’occasion de suivre presque tous les projets de sociétés des différents partis politiques. Autant dire que j’avais suffisamment ruminé sur mes choix, conscient que « utora nabi ugatwarwa nabi. »