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Covid-19 vs Élections : les irréconciliables ?

Au Burundi, en pleine période électorale, la crise du Covid-19 divise. Pour certains, la vérité sur la situation réelle n’est pas ouvertement partagée. Pour d’autres, il ne faut pas donner l’impression d’être un pays en crise par l’exagération d’une situation plutôt maîtrisée. Qui a raison, qui a tort ?

C’est un mardi dans la soirée, sur le comptoir d’un bar à Gitega, nous partageons un verre entre amis et connaissances. Nos discussions vont d’idées sérieuses comme le confinement (ou son absence chez nous) aux blagues plus ou moins salaces.

Tout d’un coup, un ami à côté, les yeux rivés sur Twitter, s’exclame : « Eh les gars, le représentant de l’OMS, ainsi que trois autres experts, viennent d’être déclarés  persona non grata au Burundi ». D’un coup, le sujet fait naître un débat sur la relation Covid-19 et élections du 20 mai. Le comptoir s’enflamme, d’autres gens s’y invitent et trois blocs se forment, mettant à nu l’état d’esprit de certain·e·s.

Les pessimistes

En considérant les expériences d’ailleurs, les uns démontrent qu’avec la tenue des élections à venir, on est en train de jouer avec un problème potentiellement grave qui peut faire bien de dégâts demain.

Pour N.K, malgré son degré élevé de militantisme, il n’a pas mis les pieds dans un meeting de son parti politique. Il s’explique : « Les cas contacts de Covid-19 qui ne cessent d’être testé positifs ne m’ont pas permis d’aller m’exposer dans ces rassemblements qui ne respectent pas la distanciation, vu que des rassemblements pareils en Algérie, dans un mariage et un enterrement, ont fait de la ville de Blida le premier foyer de contagion ».

Même son de cloche pour S.A, qui venait de Bujumbura : « Le faible taux de retrait des cartes d’électeurs à Bujumbura peut s’expliquer par la peur de l’épidémie, et par conséquent, aller voter pourrait entraîner de pics de contagion, ce qui serait s’exposer en faisant les même erreurs qu’a commis l’Italie où l’épidémie a explosé après un match de football ».

Les optimistes

Malgré l’ignorance des gestes barrières que viennent d’afficher cette campagne électorale, d’autres sont réconfortés par le nombre de cas de contamination si bas au Burundi. Serait-ce l’œuvre de Dieu (comme certains l’affirment ouvertement) ? Une capacité insuffisante de tester beaucoup de personnes ? Une résistance spéciale du peuple burundais au virus ?

Pour N.A, il ne faut pas s’inquiéter car Dieu est au contrôle : « Pourquoi vous et l’OMS, vous donnez l’impression d’un Burundi en crise par l’exagération d’une situation plutôt maîtrisée ? Avec seulement 42 cas de Covid-19 dont 20 guérisons, pourquoi importuner nos tympans avec vos bruits de coronavirus alors qu’ailleurs, ce sont des hécatombes ? Dieu est au contrôle et j’irai voter le cœur en paix ».

Son ami P.C  renchérit : « Même si le risque de contamination est là, j’irai voter car ne pas aller voter peut engendrer de graves conséquences plus que celle prédites avec le Covid-19, surtout en milieu rural où on est étiqueté d’ »umuvyonzi »(fauteur de trouble) ou « igipinga« (récalcitrants)».

Les neutres

Eux, dont je fais partie, défendent que dans une situation de crise, il est mieux de surestimer le problème plutôt que de le sous-estimer. Ce qui n’a pas été le cas avec cette campagne électorale, ni probablement avec ces élections. La réalité et le bon sens devraient prendre le dessus sur les calculs politiciens. Eh oui, même si les autorités se veulent rassurantes, la chaîne de transmission, elle, est déjà en marche. Il suffit de jeter un œil sur les communiqués du ministère de la Santé.

Comme personne ne peut prédire la situation de cette maladie dans l’avenir du Burundi, au-delà des camps politiques et des arguments qui les caractérisent, il y a presque douze millions d’habitants à protéger. La politique n’a pas précédé les humains, et ce ne sont probablement pas les humains qui disparaîtront avant elle. En plus, elle n’en est une que si elle est au service du bien-être de la population, et non l’inverse. 

Avant que tout le peuple burundais aille voter, les autorités devraient intensifier la sensibilisation sur les gestes barrières et les différents partis politiques devraient s’y mettre aussi, afin de ne pas troquer une crise institutionnelle par une crise sanitaire.

 

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