Alors que les politiciens et candidats indépendants rivalisent pour captiver l’électorat, les bonnes vieilles habitudes via les cadeaux qui servent à l’achat des consciences sont toujours d’actualité. Un jeu dangereux qui n’est pas prêt de disparaître. Analyse.
Acheter la conscience de l’électorat à travers des offrandes, c’est un phénomène pittoresque au Burundi. Triste scénario auquel n’a pas échappé la campagne électorale 2020. Nous sommes à Gitega, le 28 avril. La campagne électorale est à sa deuxième journée. En rentrant du boulot par taxi-moto, je fais un détour au supermarché pour acheter un truc. Le motard semble gêné. « Tu es en train de traîner boss. Hier, j’ai raté la distribution gratuite des pagnes pour ma femme et mes filles, et je n’aimerais pas aujourd’hui rater l’inscription sur la liste des motards qui vont avoir de l’argent pour participer à l’accueil du candidat », explique-t-il, avant de me lancer, « Voilà le parti pour qu’il faut voter boss». Et, timidement, je réponds oui, mais avec plusieurs interrogations dans ma tête.
Un jeu dangereux
Selon le politologue Lamine Savané, voter pour un candidat en échange de cadeaux remet en cause la redevabilité des élus vis-à-vis de leurs mandants. « Lorsque l’élu offre de l’argent en échange de voix pour se faire élire, une fois aux affaires, il sera plus préoccupé à servir ses intérêts personnels que l’intérêt public », explique le politologue. Il serait judicieux de se poser chacun une question : quelle défense de nos droits pourrait-on attendre d’une personne à qui on a pris des cadeaux avant de voter pour elle ? Normal qu’il devra d’abord récupérer le maximum de ses sous dépensés lors des campagnes électorales. Et puisque l’homme est un éternel insatisfait, il continuera à réfléchir comment se faire encore plus d’argent, pendant que les revendications de la population seront toujours rangées dans des tiroirs.
Et la loi dans tout cela ?
Pour lutter contre l’achat de conscience, l’espoir est dans la loi n°1/11 du 20 mai 2019 portant code électoral. En son article 222, elle met en garde contre toute pratique visant à obtenir les voix à travers des « dons ou libéralités, en argent ou en nature, à des fins de propagandes pour influencer ou tenter d’influencer le vote d’un ou plusieurs électeurs ». Les contrevenants sont condamnables d’une peine « d’un an à trois ans d’emprisonnement ou d’une amende de 800 000 Fbu à 8 000 000 Fbu ».
Pourquoi alors n’est-elle pas mise en application ? La tâche revient normalement à la commission électorale nationale indépendante. Mais sur le terrain, le constat est amer. « La CENI surveille le déroulement du vote dans l’enceinte des centres et bureaux de vote car nous n’avons pas les moyens de contrôler ce qui se trame en dehors », s’est contenté de répondre un membre de la CEPI Gitega. Une réponse qui sonne comme un aveu d’impuissance des autorités publiques contre ce phénomène de corruption électorale. Triste réalité.
Et ce qui fait plus mal, le fait d’attribuer des dons dans une campagne est perçue comme normal par les militants. Il est donc important que chaque Burundais sache que voter n’est pas synonyme de vendre sa conscience. Le droit de vote est un d’un droit civique, un devoir patriotique qui doit se faire en toute liberté et sous aucune contrainte.