Réputée comme la commune la plus reculée du Burundi, la commune de Mishiha est peuplée par des personnes venues de différents coins du pays. Elle est aussi la première commune à produire de l’Urubere, ce sorgho blanc utilisé pour fabriquer certaines boissons Brarudi comme Nyongera et Viva malt.
À Mishiha, j’y vais à moto avec une amie. Quand le motard nous révèle le prix pour s’y rendre, nous hésitons mais l’envie d’y aller est plus forte. Nous devons découvrir cette commune, connue comme la localité la plus éloignée de Bujumbura.
Nous voici en route vers Mishiha. J’essaie d’amorcer le dialogue avec ce motard mais les débuts sont difficiles. Plus tard, il m’avouera que les gens d’ici n’aiment pas parler aux étrangers. « Je suis natif de Mishiha. La population d’ici vient de plusieurs coins du pays et on se méfie beaucoup de l’étranger, du moins jusqu’à ce qu’il s’installe et devienne l’un des nôtres ».
Corruption, même à Mishiha !
Le voyage n’est pas vraiment aisé, on est obligé de rouler à grande vitesse et la route est en piteux état. Parfois, je vois le conducteur dévier de la bonne route et traverser les collines et les marées. « Un kidnapping ? », me demande, inquiète, la petite voix dans ma tête. Je revoie les films d’horreur que je regardais étant ado. Le chauffeur a certainement lu ma détresse dans mes yeux : « Il va falloir me faire confiance, des fois je suis obligé de passer par des voies « impassables » pour échapper aux amandes de la police ». Un ouf de soulagement, au moins je sais ce qui se passe. « Mais pourquoi préférez-vous jouer au chat et à la souris, et si vous cherchiez des documents pour être en ordre ? ». Ma question semble naïve et embarrassante mais il tient à me répondre. Une déception mélangée à de la colère dans sa voix. Il prend soin de m’expliquer que le motard et d’ailleurs tous les chauffeurs n’auront jamais de documents suffisants devant un policier assoiffé.
Le jeune homme semble désespéré, la corruption qui a gagné le secteur de la police ne reculera jamais. « Il nous faudra réinventer la police ».
Et si nous étions traités au même pied d’égalité ?
Nous sommes enfin dans la commune Mishiha. Le bureau de la commune se trouve dans la zone Mugera. Je rencontre un ex-ami de classe, il va essayer de jouer l’intermédiaire avec la population timide.
Jean, un vendeur de jus se plaint de l’argent qu’ils doit donner aux jeunes affiliés du parti au pouvoir pour pouvoir amener ses jus qui sont déjà dédouanés à la frontière de Gahumo. « Parfois, on est appréhendé par des jeunes Imbonerakure qui nous obligent de leur donner de l’argent sous la menace de saisir nos biens (jus) ».
Il ajoute que même les enfants et jeunes qui vont en Tanzanie pour y chercher du travail subissent le même sort. « C’est comme si les jeunes Imbonerakure ont des droits extras. Ils se permettent tout. Ils tabassent ces enfants et jeunes, leur dépouillent de tout bien et les laissent rentrer bredouille ».
Pour Jean, les prochains élus devraient prendre la question en main et assurer l’égalité des droits, garantir la paix et la sécurité pour tous. « Umuntu akarya utwo abiriye akuya atawe arenganije » (Que chacun mange à la sueur de son front sans léser autrui, ndlr).
Dieudonné, un enseignant de l’école secondaire abonde dans le même sens. Pour lui, il devrait y avoir des dirigeants qui se soucient du bien-être de tout le monde. « Nos dirigeants se soucient plus des questions des membres de leur parti que ceux de toute la population ». Pour lui, les politiciens qu’il aimerait avoir en 2020 sont ceux qui pourront améliorer les structures de santé. « Mishiha est parmi les communes les plus exposées à la malaria. Comble de malheur, elle ne dispose même pas d’un hôpital. Imaginez s’il y avait un politicien qui mettrait en avant la construction d’un hôpital ? Je voterai pour lui sans tenir compte de son appartenance politique. »
La commune Mishiha est l’une des 5 communes de la province Cankuzo. Elle est située au Nord-Est de la province. Cette commune a une superficie estimée à 381,20 Km2, soit 19,4% de la province (1.964,54 Km2) et 1,36% du pays (27.834 Km2). Elle est répartie en 2 grandes zones : Mugera et Munzenze. Elle est délimitée au Nord-Ouest par la commune Kigamba, à l’Est par la Tanzanie et au Sud-Ouest par la commune Cankuzo. Elle est aussi connue pour la culture du sorgho blanc (Urubere) une matière première pour fabriquer certaines boissons Brarudi comme Nyongera et Viva malt.
