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« Dieu seul sauve », sauf que le coronavirus ne l’entend pas de cette oreille

Affirmer que la société burundaise est très croyante, c’est peu dire. L’annonce des deux premiers cas de Covid-19 au Burundi a vu fleurir sur les réseaux sociaux des messages fatalistes nimbés d’espoir religieux. Sauf que là n’est pas la solution.

La doctrine de Jean Calvin n’aura jamais eu autant la cote. Alors que les scientifiques du monde entier s’évertuent en vain pour trouver un remède à la plus grande pandémie que le monde ait connu depuis au moins un siècle, au moment où l’humanité se barricade en espérant se faire oublier par une maladie qui se fiche du nombre de zéros accolés à un compte bancaire, au Burundi, certains regards se tournent naturellement vers… le spirituel.

Face à l’incertitude et aux informations alarmistes annonçant un vent meurtrier qui pourrait précipiter le monde dans les abysses, le Burundais cherche une branche sur laquelle se raccrocher, et il n’a qu’à se pencher pour la trouver dans son éducation.

Formatage

Eh oui. Nous autres Burundais avons appris dès notre enfance à chercher réconfort dans les bras d’un Dieu-amour. Face à l’adversité, il nous a été recommandé de compter sur un être omnipotent et bienveillant, et en grandissant, le discours n’a pas évolué. Il a même été anobli pour finir par figurer dans la Constitution de notre pays.

Quoi de plus normal si aujourd’hui les gens lèvent les yeux vers le ciel comme premier réflexe face à une maladie qu’ils ne comprennent pas, ou très mal. « Tubayeho ku buntu bw’Imana » (Nous vivons par la grâce de Dieu), répondront les irréductibles adeptes de Bacchus qui continuent à hanter les bars et débits de boissons de Bujumbura. 

« Prions car seul Dieu peut nous sauver », ajouteront les « éclairés » (pour ne pas utiliser un autre vocable au vu de leur susceptibilité) qui ne rateraient jamais leur mardi-frat ou autre réunion-cellule, même si l’apocalypse toquait à leur porte (ce qui serait d’ailleurs le cas). Face aux gestes qui sauvent, ils les reproduiront machinalement tant qu’on les surveille et s’en remettront à Dieu sitôt que l’autorité aura le dos tourné.

Sauf que… 

Les faits ne mentent pas. La leçon nous vient d’ailleurs de pays pour qui Dieu est soit un concept évanescent, soit une idée à prendre avec les réserves qu’elle mérite. De Singapour à Taïwan en passant par la Corée du Sud,  la réponse à la maladie a mis la logique et la science au premier plan. Et elle inspire les autres. 

La Chine, auparavant moquée, a fini par donner une leçon magistrale aux pays occidentaux, qui l’implorent aujourd’hui comme le Messie des récits bibliques. Et Dieu n’y est pour rien. Aux États-Unis, s’en remettre à Dieu coûterait plus de deux millions de vies à la place des quelques 200 000 pertes en écoutant la science. Le cowboy Trump a aussitôt changé de discours.

Et le Burundi dans tout ça ? Il serait inapproprié et malvenu de comparer des puissances pareilles avec le deuxième pays le plus pauvre du monde. Oublions cela. Parlons du Burundais. Celui qui connaît les forces et les faiblesses de son pays. Celui qui sait qu’il doit compter sur lui-même quand son éducation et certaines personnes veulent le renvoyer vers un Dieu décidément occupé ailleurs. Celui qui doit comprendre que les temps des miracles divins sont révolus, ou arrivent à compte-gouttes. Que face au Covid-19, seuls la discipline et la lucidité sauvent. Avec une petite dose de foi bien sûr.

 

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