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Le Burundi et ses « ethnies » : ça n’a pas toujours été un couple mal assorti

Les ethnies telles que nous les vivons au Burundi, n’ont pas toujours été source de conflits, surtout dans le Burundi précolonial. Lors d’un débat entre jeunes, l’on est revenu sur les conditions d’émergence d’un ethnisme clivant et qui marque encore aujourd’hui de son empreinte la société burundaise.

L’ethnie ! Voilà le terme qui, s’il est évoqué au Burundi, ne laisse pas indifférent, en tout cas chez beaucoup. Normal pour un pays ayant connu des crises, des massacres à caractère ethnique. De ces Burundais qui ne se perdraient pas à l’évocation de la notion d’ethnie, Alexis Bigirimana est du nombre. Pour ce lauréat de l’Université Espoir d’Afrique et chercheur à l’ISRD, par l’ethnie au Burundi, il faut vite comprendre les tutsi,  les hutu et les twa, avant de nuancer : « Mais en réalité, s’il faut parler d’ethnie au Burundi, on parlerait d’une  seule ethnie vu que nous partageons la culture, la religion, avec des descriptions physiques qui ne nous permettent pas de faire la distinction entre ethnie ».

Cet avis, il la partage avec Thierry, un jeune de la commune Muha. Cependant, pour lui, même si en réalité, il ne  devrait pas y avoir une ethnie au Burundi, le politique l’a imposé. Du coup, politiquement, les ethnies existent.  

De son côté, Aloys Niyoyita, journaliste indépendant, s’il reconnaît que les tutsi ou les hutu ou twa sont une réalité au Burundi, il pense qu’ils ont été propulsés sur le devant de la scène lors de la colonisation. Vraiment ?

Hutu, tutsi et twa : des vocables hérités de la colonisation ?

« Il ne faut pas se bercer d’illusions en croyant ou en faisant croire que  hutu, tutsi ou twa sont des vocables que nous devons à la colonisation », éclaire Elias Sentamba, politologue et  professeur d’universités. Au contraire, explique-t-il, ces « ethnies existaient bel et bien. Seulement, elles n’avaient pas d’importance et n’étaient pas clivantes. D’ailleurs, assène-t-il, dans la royauté où ce sont les clans qui étaient  pris en compte, il faut remarquer que c’était des clans issus de plusieurs ethnies. Par exemple, parmi les bishikira (administrateurs des domaines royaux), il y avait toutes les ethnies. »

Il faut dire que tout change en 1925 avec la réforme administrative opérée par la Belgique. Cette loi, elle semble annexer le Ruanda-Urundi au royaume de Belgique. Et sur terrain, elle dresse une sorte hiérarchisation des ethnies. Ainsi, au Burundi, les ganwa sont favorisés, les tutsi ensuite, tandis que les hutu se retrouvent déconsidérés. C’est donc dans ce contexte que l’ethnie commence à poser problème. 

Mais alors, comment en est-on arrivé  là ?

Tout semble commencer avec cette réforme administrative. Une réforme qui vient dans le contexte de la politique de diviser pour régner enclenché dès les premières années de la colonisation. À cela, Axel Keza, étudiant à l’Université du Lac Tanganyika, ajoute l’appât du gain. Sur ce dernier, cet étudiant trouve que la responsabilité des Burundais dans ces problèmes d’ordre ethnique ne serait pas à écarter. 

Le divide et impera, c’est aussi ce qu’évoque Alexis Bigirimana. Selon lui, cela se concrétisera par le favoritisme envers une ethnie, celle des Tutsi, par le colonisateur. Ce favoritisme, selon toujours ce lauréat de l’université Espoir d’Afrique, se  fera sentir dans l’éducation avec des tutsi qui vont fréquenter les écoles d’administration (Astrida) au moment où les hutu se verront imposés les écoles techniques. 

Nuance ici de Sentamba qui parle d’Astrida comme d’une école fréquentée quasi-exclusivement par les enfants des ganwa, des tutsi, mais aussi des enfants des responsables politiques, pas de n’importe qui. D’ailleurs, éclaire-t-il, c’est à  cette époque que l’on assistera aux pratiques d’ « ukwihutura », cette pratique consistant à se « débarrasser » de l ’ « identité » hutu pour pouvoir mériter les avantages offertes  par la colonisation belge.   

Ironie du sort, conclut le politologue Sentamba, ce sont ces ganwa et tutsi instruits grâce à la colonisation qui se lèveront pour réclamer l’indépendance, ce qui conduira les Belges à faire volte-face et à soutenir les hutu, les dressant contre les tutsi. En témoigne les partis ouvertement hutu qui seront soutenus par les colons, cela peu de temps avant l’indépendance. 

 

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