Bujumbura fait face à des inondations immenses depuis 1961. Malheureusement, malgré la mise en place de stratégies et programmes pour éradiquer ce fléau, force est de constater que le phénomène persiste. Mais pourquoi ? Où est-ce que ça coince ? Analyse.
C’est une réalité cousue de fil blanc. Plus de 50 ans depuis 1961, Bujumbura est la cible des inondations. Les conséquences et les dégâts sont sans appel. D’après Bernard Sindayihebura, spécialiste en aménagement des territoires et en environnement, ces inondations sont dus au non-respect des règles de l’aménagement de la ville de Bujumbura.
L’État n’a pas vraiment pris des mesures strictes pour rendre effective l’interdiction d’occupation de certains terrains inadaptés à l’habitat dans la ville de Bujumbura. « Quand les habitants construisent des maisons sur des cours d’eau et dans les drains et que le gouvernement ne fait quasiment rien pour les en empêcher, cela conduit à un cercle infernal d’inondations», explique M. Sindayihebura.
Où est-ce que ça coince alors ?
Selon cet expert, le nœud du problème est la mise en application du schéma directeur de l’aménagement et de l’urbanisme. C’est ce dernier qui devrait prévenir les espaces à construire, à interdire et à protéger sans oublier l’extension urbaine à court et à long terme. Malheureusement, sa mise en application est loin d’être comblée. En témoigne, les constructions anarchiques qui continuent de gagner du terrain dans la ville de Bujumbura et la viabilisation ne suit pas le rythme de l’agrandissement de la ville.
Les gens n’hésitent pas à construire dans des zones « inconstructibles » au mépris des normes de l’urbanisation. À titre d’exemple, le cas de Kuwinterekwa, Buterere, Gahahe, Nyabugete, etc. Cependant, des questions ne manquent pas. Est-ce que l’urbanisme ou les acquéreurs pensent aux conséquences ? Il y a même des cas où l’urbanisme recommande l’arrêt des travaux, mais les constructions se poursuivent. Il existe donc des gens plus forts que l’État ?
Pourquoi jouons-nous les premiers surpris ?
Le code de l’urbanisme prévoit de bons instruments (Voir Chap III, section 1, Article 16). Les aménagements urbains devraient se faire selon les prévisions du code de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction. Or, ces instruments sont là et ne demandent qu’à être utilisés. Mais lorsque les recommandations et prescriptions ne sont pas encore mises en œuvre et que les inondations persistent, pourquoi ça nous étonne ?
« Quand nous transformons les rigoles en dépotoir d’ordures où nous y déversons tous nos déchets ménagers, c’est normal ! Mais lorsque vient la pluie et que l’eau ne retrouve pas son lit habituel et se trace un nouveau chemin vers nos salons ou nos chambres à coucher, pourquoi ça nous étonne ? », s’exclame Bernard.
Toujours selon cet expert, ici et là, dans les quartiers, nous continuons de contempler des épluchures, des bouteilles vides d’eau minérale et autres déchets dans les caniveaux. Or, à l’horizon de 2030, Bujumbura comptera environ 1 000000 d’habitants. Et cela, équivaudra à une production d’environ 475 tonnes de déchets solides par jour. Imaginez ce que sera cette ville si rien ne change.
Piste de solutions : respecter les normes de construction
Pour Sylvestre Ndayirukiye, professeur à l’université du Burundi, le gouvernement a un grand rôle à jouer. Il doit diriger une étude multidisciplinaire où il va étudier les aspects physiques, économiques et sociaux. Après avoir mis les résultats en commun, il pourra alors faire différents types d’aménagements en fonction des sections. « Tout projet de développement, de construction ou d’octroi de parcelle doit être précédé d’une étude d’impact environnemental ». Pour lui, l’urbanisation doit respecter les normes de construction et environnementales (aménagement des contreforts surplombant la ville, canalisations, définir les périmètres à risque et une protection suffisante des bords des rivières et cours d’eau traversant la ville).
D’un autre côté, les pouvoirs publics sont appelés à mettre en application toutes les mesures nécessaires pour lutter contre les constructions qui ne respectent pas les normes urbanistiques. Ainsi, on pourrait résoudre ce problème d’inondations récurrentes. Enfin, il est temps pour les Bujumburiens de prendre au sérieux la gestion de leurs déchets ménagers, car après tout, les conséquences tombent sur eux.