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Derrière Fruito, une grande dame du nom de Marie Müque Kigoma

Elle a osé défier la société traditionnelle burundaise qui voulait confiner la femme dans la cuisine et dans d’autres activités ménagères. Le parcours de Marie Müque Kigoma, fondatrice de Fruito, nous prouve que l’esprit casanier n’est pas le propre de la femme burundaise depuis les années 1980. 

Elle a dû batailler pour faire naître et prospérer son entreprise dans une époque où l’État était le principal employeur et où le chômage n’avait pas encore atteint le niveau actuel. De part la tradition burundaise, même avec l’avènement de l’école comme échelle de l’ascension sociale, il fallait que les femmes restent à la maison pour s’occuper des enfants. En plus de vouloir casser ces tabous, Mme Kigoma avait une autre ambition : « Une terrible envie de mieux et de gagner plus ». 

Infirmière depuis 1975 et épouse d’un juriste, les fins de mois sont plutôt difficiles pour la famille Kigoma, témoigne-t-elle. Afin de joindre les deux bouts, elle démissionne en 1983 et imagine une reconversion en infirmière indépendante,  mais le ministère de la Santé ne l’entend pas de cette oreille et freine ses velléités entrepreneuriales. « Il n(y a pas de lois qui régissent les infirmières à domicile ! », lui dit-on.

De sa cuisine à l’entreprise

N’ayant plus de travail, elle se trouve alors un autre emploi à mi-temps à l’ambassade américaine toujours comme infirmière. Pour combler ses après-midi, elle va à Bugarama plusieurs fois par semaine acheter ses fruits et légumes. Et c’est là que naît cette fameuse idée : « Pourquoi ne pas faire des sirops avec tout ces maracujas ? » 

Les premiers essais de sirops commencent dans sa cuisine. Des sirops qu’elle met dans des bouteilles de whisky (vides) et vend dans les alimentations et les boîtes de nuits. Une première à Bujumbura, une révolution dans les habitudes burundaises, raconte-t-elle. « Les fruits étaient plutôt réservés aux enfants et malades ». Son succès est tel qu’elle ne trouve bientôt plus de bouteilles de whisky. 

Le goût du risque 

Fin 1985, Marie Kigoma a besoin de 800 kg de maracujas par semaine pour sa production. Et les vendeurs de Bugarama ont dû mal à satisfaire cette demande. C’est ainsi qu’elle commence à acheter les fruits dans les autres provinces, de Bukeye jusqu’à Kayanza. En 1987, Mme Kigoma décide de passer à la vitesse supérieure. Finie la production dans sa cuisine, elle décide d’offrir les jus prêt à boire et le 1 août de cette année, la marque Fruito, une entreprise qui transforme et commercialise les jus et nectars fabriqués à base de fruits frais au Burundi, voit le jour.

Elle prend un crédit à la Banque Nationale de Développement Économique (BNDE) sur cinq ans, des équipements de production professionnelle conçus spécialement pour Fruito arrivent de Montpellier, le tout suivi d’une formation de trois semaines par des Français. Son jus est apprécié par tout le monde. « Pendant les cérémonies officielles, les élus étaient fiers d’offrir mon jus », se félicite la manager. En somme une fierté personnelle mais également nationale. La production annuelle est passée de 30 000 litres en moyenne avec environ 15 000 kg de fruit par an en 1988, à 215 000 litres avec une moyenne de 100 000kg de fruits en 2019.

 

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