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#ThePoliticianWeWant : Rango, « kujinyika », en attendant le dirigeant idéal

En chômage depuis plusieurs années, l’ « Injinya », une boisson prohibée faite à base de cannes à sucre et de levure, semble être le seul remède pour oublier la situation de certains jeunes à Rango. Se soûler à cette concoction est ce qu’on appelle «kujinyika » en kirundi (prendre tout son sérieux).

Après un long périple sur une route en terre battue, nous arrivons enfin à Gasenyi, en commune Rango. Nous prenons ensuite une autre route vers la rivière Nkokoma, en passant par Gitibu. Cette année, la récolte du haricot n’a pas été très mauvaise et en cette période de fin de l’été, la vente du café (pulpe) fait des caféiculteurs les plus heureux parmi la population du coin. Il y a quelques semaines, l’usine de « dépulpage » du café  de Gitibu a payé les caféiculteurs, Emile et ses amis peuvent se payer l’injinya.

Ils sont 5 jeunes. Le plus âgé d’entre eux, c’est Remy, diplôme D6 en poche. Il a 34 ans, marié et père de 4 enfants. Le benjamin de la bande, c’est Célestin, agriculteur, il a abandonné l’école en 6e année primaire. Il n’a que 23 ans mais arbore un look d’un homme de 40 ans. « C’est l’injinya qui l’a rendu comme ça. Il boit plus qu’il ne mange…il abuse », le taquinent en chœur ses compagnons.

Après des présentations qui n’en finissent pas, je prends les devants et réclame à manger. « Manger ? Ici, il n’y a ni hôtel, ni restaurant. Où veux-tu trouver la nourriture digne des gens de la capitale ? Mais si tu veux nous rendre plus heureux, viens avec nous », me dit Emile, qui semble avoir le dernier mot sur le reste du groupe.

Noyer ses soucis dans l’alcool

Nous entrons dans la cour d’une maison, par une petite entrée aménagée comme un trou. Un homme dans la quarantaine, regard terrifié, nous montre où s’asseoir. Il demande à ses hôtes qui est ce nouveau venu dans le groupe. Emile, le doyen, dit que c’est un ami qui vient leur offrir à boire. L’hôte se détend et nous demande ensuite si nous allions prendre «akabiri » (un récipient de 3 bouteilles) ou « akatatu » (un récipient de 3 bouteilles)

Nous prenons akatatu, tant qu’à faire ! « C’est bien ! », s’exclame Célestin, on ne peut plus heureux.

On ne voit pas passer les  heures que nous passons ensemble, je réalise que tout le monde somnole dans son coin, sous l’effet de l’alcool et je comprends finalement que kujinyika, n’a rien de prendre son sérieux, mais c’est plutôt noyer ses problèmes, son chagrin dans l’alcool. 

Je tiens à peine sur mes jambes lorsque je hèle un taxi-moto pour me ramener à l’hôtel, situé à 30 km de là. En titubant, je monte sur la moto, qui démarre en direction de Gasenyi, dans le camp des déplacés de 1993. Nous traversons Ku kinini et enfin nous atteignons Gasenyi pour une escale de quelques heures.

Rango, de la crise sanglante à la cohabitation pacifique

La commune a été atteinte par la crise qui a suivi la mort de Ndadaye. Plusieurs personnes ont été tuées. Jusqu’aujourd’hui elle compte 4 camps des déplacés : Gasenyi, Rubungu, Karehe I et II. 

Les jeunes des deux ethnies qui se regardaient en chiens de faïence, il y a une décennie, ont compris aujourd’hui que «seule la cohabitation pacifique est la seule issue pour le développement durable », me lance le taxi-motard.

Ce que confirmera MB, 28 ans, enseignant dans une école primaire de Gasenyi. « Avant l’année 2005, il était difficile de voir des jeunes rêvant d’un projet commun. Mais maintenant nous avons compris que notre avenir nous appartient. Va voir par toi-même, il y a des salons de coiffure, des débits de boissons tenus par des jeunes d’ethnies différents ».

Dans une heure, je dois passer saluer un ami à Rubungu. On démarre notre bicycle et nous mettons le cap sur Gipfuvya, passant sous le Mont Cari, et nous voici à la paroisse Rubungu. Mon ami qui m’accueille chaleureusement dans sa demeure somptueuse  m’amène goûter aux grillades de la région, en nous remémorant de nos histoires quand on était encore au lycée. 

Maintenant mon ancien condisciple est un homme d’église et moi journaliste. Tout en priant pour la suite de mon périple qui devrait me ramener à 30 km de là pour trouver un hôtel, il me rappela une anecdote du Lycée, le jour où nous n’avions pas d’assiette pour manger. 

Pour transporter la pâte de manioc et « la sauce », comprenez ici, les haricots rongés par les charançons, on donnait à notre pâte de manioc, la forme d’un récipient puis on versait les haricots dedans. 

En riant à gorge déployée, on se serre la main et le motard démarre en trombe laissant derrière lui de la poussière. Je prie pour la énième fois pour que mon chauffeur  « atajinyitse », de peur de nous retrouver au fond de la vallée.

Que voir à Rango ?

Il n’y a pas de site touristique ou historique connu, selon l’administrateur. Mais, si vous passez dans cette commune, ne manquez pas de visiter le mont Cari avec ses pins et une magnifique vue sur Mutaho (frontalière) et la plaine de la Ruvubu et Nkokoma avec ses rizières à perte de vue.

Rango en chiffres (selon l’administrateur)

Population : 103.000 habitants 

Nombre d’écoles : 37

Centres de santé : 7

Camps de déplacés : 4

 

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