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#Turashoboye : une Burundaise sur le fauteuil présidentiel, est-ce possible ?

En marge de la célébration du 8 mars, journée internationale de la femme, une question me taraude en pensant la candidature avortée aux présidentielles de mai 2020 de Fidélité Nibigira : « Pouvons-nous espérer voir un jour, une femme élue président de la République du Burundi ? ». Analyse.

Pour ceux qui ne le savent pas, le Burundi a déjà eu une femme comme président de la République par intérim. C’était Sylvie Kinigi, du 27 octobre 1993 au 5 février 1994. À part elle, aucune autre femme n’a marqué l’histoire du Burundi au premier plan, depuis l’indépendance du pays jusqu’à aujourd’hui, à part Alice Nzomukunda et Immaculée Nahayo, respectivement deuxième vice-présidente et présidente de l’Assemblée nationale dans les années 2000.

Comment expliquer cela, au vu des importants progrès réalisés en matière d’égalité entre les sexes ? C’est tout simple : la politique demeure le pré-carré des hommes. Les Burundaises qui peuvent se targuer d’avoir eu un véritable pouvoir politique, se comptent sur les doigts de la main. Du coup, quid des chances qu’a une femme burundaise, pour être élue président de la République ? 

Partis politiques misogynes

Gagner le fauteuil présidentiel au Burundi, se joue souvent dans les partis politiques. Là, plus on est mieux placé, plus on a la chance d’être investi comme candidat. Malheureusement, la réalité témoigne que plus on remonte dans la hiérarchie des partis politiques, plus la représentation féminine est faible. Tenez ! À la veille des élections de 2010 par exemple, les femmes au Cndd-Fdd occupaient 0% au conseil des sages, et 23% au comité exécutif. Au Frodebu, Fnl et à l’Uprona, elles occupaient respectivement 15%, 10% et 26% au comité exécutif. 

Et par comble de malheur, les fonctions qu’elles assument sont souvent la prise en charge des questions du genre, la communication et les affaires socioculturelles. Et s’il arrive qu’une femme soit nommée à un poste de prise de décision, elle est souvent adjointe à un homme qui exerce la prééminence de la fonction. Un signe que la femme dans les partis politiques est perçue comme un acteur à intégrer pour combler des déséquilibres du genre, au même titre que ceux de l’ethnie et de la région, mais pas pour concourir à l’égal des hommes.

Des ligues des femmes parasites

Selon une sénatrice sous couvert d’anonymat, même si la ligue des femmes des partis politiques est une sorte de vitrine en matière d’intégration et promotion de la femme, elle est à cheval entre un ghetto destiné à accueillir les femmes les plus actives et une plateforme d’élaboration des propositions et de captation de l’électorat féminin. 

« La ligue, au lieu d’être une force de contribution, est réduite à une structure de mobilisation des électrices, dans laquelle peuvent être casées les femmes qui auraient pu prétendre siéger dans les instances de décision nationale du parti, et par conséquent au fauteuil présidentiel », explique la sénatrice, avant de renchérir que le faible niveau d’autonomie de ces mouvements vis-à-vis des partis auxquels ils sont intégrés, ne valorise pas forcément la cause des femmes. 

La cooptation, une entrave

L’évidence est que la femme burundaise n’est pas perçue comme électoralement rentable. L’ampleur de la cooptation pour atteindre 30% des femmes dans les institutions est là pour le prouver, une des raisons même qui explique la non-intégration de la femme dans les hautes sphères des partis. Si ces mesures de cooptation sont nécessaires et jouent en faveur des femmes, elles constituent un baromètre d’une société non encore acquise à la reconnaissance de la valeur intrinsèque de la femme dans le jeu politique. Le message qu’elle renvoie est que la société n’est pas prête à élire les femmes, ce qui explique à rebours la frilosité des états-majors politiques à les mettre en avant, compte tenu de le faible « valeur marchande », électoralement parlant.

Comme dans toute lutte, la promotion de la femme viendra d’abord d’elle-même. Les femmes ne doivent pas juste se contenter du seul fait qu’elles sont femmes, pour prétendre à quelques avantages que ce soit. Les ligues des femmes des différents partis politiques doivent se constituer en une force de pression, pour exiger une participation plus effective de la femme dans les organes dirigeants des partis. C’est une des voies d’avoir un jour une Burundaise comme chef d’état, comme il a été le cas en Éthiopie, Liberia, Malawi ou en République Centrafricaine.

 

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