Située à 5 km au nord-est de Bujumbura Mairie, Kamenge est une zone urbaine qui fait partie des « interminables quartiers de terre et de tôle » de la capitale économique burundaise. Pour 2020, elle attend beaucoup des dirigeants, mais en tête viennent une justice libre et indépendante, et du travail pour tout le monde sans distinction aucune.
Kamenge, j’y suis né. Un jour, poussé par je ne sais quoi, j’ai eu envie de le revisiter. Accessible via le boulevard Mwambutsa et la RN1, c’est la première zone de Bujumbura qu’on voit quand on arrive du nord, de l’est et du centre du pays. La tombe d’un des fils de Kamenge, feu Lieutenant Général Adolphe Nshimirimana, accueille les visiteurs. Et quand on vient du centre-ville de bujumbura, c’est la gare du nord qui marque les débuts de la zone. C’est là où je démarre ma visite.
Il est 8h. Avant 1993, ce qu’on appelait Kamenge était une vaste commune de la Mairie. Il partait de la rivière Ntahangwa, et englobait la zone Gihosha. « C’est la raison qui fait que le mot Kamenge est lié à l’hôpital militaire, au centre hospitalo-universitaire, au centre neuropsychiatrique et à l’école technique supérieur (ETS) », m’explique un vieillard, natif de Kamenge. Crée en 1952, il était assigné aux travailleurs burundais qui habitaient Usumbura à cette époque.
La réconciliation
Direction, le marché de Kamenge. Ce jour-là, dans le périmètre de l’ancien marché de Kamenge, on déterre les restes des victimes qui ont été enterrées dans la précipitation, dans une fosse commune. En effet, en 1993, véritable maquis en pleine capitale, Kamenge est devenu le bastion de la rébellion naissante et en a payé un lourd tribut. Aloys, un jeune de 36 ans, casquette de basket vissée sur le crâne, se rappelle de ces évènements : « Cela s’est passé, il y a 25 ans, mais c’est comme si c’était hier.». Selon lui, le fait de déterrer ces restes en vue de les enterrer avec honneur est une thérapie qui ouvre le processus de réconciliation. « La justice doit être là, mais le pardon doit primer parce qu’on doit vivre ensemble », souligne Aloys.
Chapelle de paix et de miséricorde
Vers 9h, je suis à la paroisse catholique Kamenge, connue communément sous le nom de « chez Buyengero ». Ce sobriquet vient du surnom qu’avait pris le premier curé (italien) de cette paroisse, qui a vécu une longue période à Buyengero. Dans cet endroit, le 7 et 8 septembre 2014, trois sœurs Xaveriennes Olga, Lucia et Bernadette y ont été sauvagement assassinées. Après le départ de leur congrégation, la maison où elles ont été assassinées, a été transformée en une chapelle : « Agasengero k’amahoro n’ikigongwe », lit-on à l’entrée de cette chapelle. Les gens viennent s’y recueillir et prier. Six ans après cette tragédie, les trois sœurs italiennes sont toujours dans la mémoire de la plupart des habitants de ce quartier. « Elles nous assistaient beaucoup. Elles aidaient les enfants indigents, et les filles-mères pour qu’elles puissent subvenir aux besoins de leurs enfants », témoigne Mathilde, la vingtaine, rencontrée dans la chapelle. Selon elle, c’est inadmissible que les vrais bourreaux ne soient pas encore connus. Elle prie pour que les dirigeants de 2020 ne soient pas comme ceux d’aujourd’hui, qui ouvrent des enquêtes seulement pour calmer la clameur publique, mais qu’ils soient des artisans d’une justice libre et indépendante.
Akabenzi, la signature de Kamenge
Il est 15h. En traversant la 11ème et 13ème avenue, les carcasses de viandes, qui ne sont ni de bœufs ni de chèvres sont suspendues en poirier, au coin des rues, dans des bistrots de fortunes. La fumée de la viande de porc grillée, communément appelée « Akabenzi», se dégage des gros fûts accrochés sur des trépieds métalliques. Une spécialité de Kamenge. « Akabenzi est un pseudonyme attribué, en faisant allusion au museau du cochon qui ressemblerait au logo de la Mercédès Benz », explique Frédéric Nayuburundi dit Savimbi, la star des cuisiniers de Kamenge, avant de renchérir que cette viande n’est plus réservée aux pauvres, en me montrant du bout du doigt, les voitures luxueuses des citadins aisés qui ont fait le déplacement pour s’en régaler. Selon lui, il aimerait un dirigeant qui fera régner la stabilité politique sur tout le territoire, ce qui créera un milieu favorable pour les affaires.
Un centre pour les jeunes
Vers 17h, j’arrive au centre jeune Kamenge. Tous les terrains de jeux sont pleins de jeunes qui suent de partout. À la bibliothèque, silence total. La salle est remplie, avec une concentration à couper le souffle. « Fondé en 1991, le centre est un lieu où les jeunes grandissent en apprenant à vivre ensemble », confie l’Abbé Pascal, un des responsables du centre. D’après les jeunes inscrits à ce centre, chaque expérience que l’on vit marque consciemment ou inconsciemment leur vie. C’est le cas de Noëlla qui participait pour la première fois dans l’une des activités du centre. « J’ai été émue de voir les jeunes de différentes origines se rencontrer dans ce lieu, et l’école d’animation m’a touchée avec toute cette série de réflexions qui poussent les jeunes participants à regarder leur vie en face », confie – t- elle. Pour 2020, elle aimerait avoir des dirigeants qui s’attaquent à la pauvreté, qui résolvent le chômage, en créant du travail pour tout le monde, sans distinction aucune.
Kamenge est une zone de la commune de Ntahangwa, de la Mairie de Bujumbura. Elle est limitée au nord par la commune Mutimbuzi, au sud par la zone Ngagara, à l’est par la zone Kinama, et à l’ouest par la zone Gihosha. Elle comptait en 2019, 150 000 habitants avec une forte densité de 30 000 hab/km².