Clarisse Munezero ainsi que trois de ses complices ont été condamnées pour le meurtre par strangulation de l’enfant qu’elle venait de mettre au monde. Sans vouloir me faire l’avocat du diable, cette affaire devrait nous pousser à la réflexion.
C’est vrai, je vous le concède, la priorité n’est pas là. Il y a des élections à organiser, des campagnes à mener, des candidatures à déposer (moi-même j’hésite), des personnes à berner pour un vote ou un poste pour les prochaines sept années, un guide suprême à…non, rien. Alors des gamines, ma foi, des gamines coupables du pire n’ont que ce qu’elles méritent, diraient certains.
Mais, oui, il y a un mais. Plutôt que de les condamner, n’entendez-vous pas ce cri de détresse qui appelle à prendre en compte, sans plus tergiverser, cette question de grossesse chez les adolescentes ?
Elles ont tué, c’est clair. Aussi bien la mère que ses trois copines se sont condamnées par l’occasion à vivre « l’enfer ». Leur vie ne sera plus comme avant. Finie l’insouciante adolescence, adieu les premiers émois, les rêves infantiles, adieu les potes et les blagues innocentes, adieu les interminables grandes vacances, adieu l’enfant à ses parents…adieu les promesses d’un avenir radieux, Uburundi bwejo, adieu…la vie.
En accomplissant, un acte aussi ignoble que celui d’ôter la vie à un petit être, lequel, après des heures d’accouchement dans la souffrance (je vous passe les détails sur la terrible douleur des contractions), on a mis au monde…la jeune Clarisse nous jette à la gueule notre inhumanité. Car, oui, c’est nous, et notre société moyenâgeuse qui poussons ces gamines au suicide, au meurtre. Nous qui, les premiers, portons un doigt accusateur à ces enfants, au lieu de leur tendre la main, une épaule de secours.
Arrêtons de faire l’autruche
Depuis des années, nous poussons des cris d’horreur, chiffres à la main, amorphes et aveugles face à la montée insolente des grossesses en milieu scolaire. Depuis des années aussi, des « ateliers de restitution d’étude sur les SSR », des « formations de renforcement des capacités », des « formations des formateurs », des « animations tous azimuts sont organisés par les partenaires techniques et financiers en partenariat avec le ministère en charge qui envoie pour l’occasion son représentant du conseiller du ministre et autres grands et petits de la sphère concernée », etc., sont organisés à tour de bras. Chaque année donc, des millions de francs sont dépensés pour…brandir des paroles moralisatrices, versets bibliques et autres allégories pour dire l’abstinence, le droit à la vie, les liens sacrés du mariage, l’éducation burundaise d’une jeune fille responsable qui ne succombe pas à la tentation, le pollen, les abeilles, la pisciculture, les élections… en faisant mine de croire qu’il existe plusieurs manières de lutter contre ces grossesses en milieu scolaire, et que le maître-mot à brandir pour ces jeunes âmes en perdition est : ABSTINENCE !
Ouvrons les yeux
Dans d’autres lieux, depuis bien longtemps, des voix se sont levées pour exiger certains droits de la femme, pour ne pas nommer l’indicible, l’inaudible avortement. Veil et ses copines avaient bien compris que pour une pleine existence, la femme devait disposer de son corps, comme d’un droit fondamental et inaliénable.
Le jour où, on mettra à disposition des jeunes filles, entendez ici, dans les écoles, les centres de santé, ces contraceptifs dont on ne veut pas entendre parler (je ne sais pas vous, mais moi, je ne connais que cette voie pour lutter contre une grossesse), les chiffres parleront d’eux-mêmes.
Le jour où il y aura des associations d’accompagnement psychologique et matériel des jeunes filles enceintes, il n’y aura plus ou dans une moindre mesure, des cas d’infanticide…
Car voyez-vous, les meurtriers, ce n’est pas seulement Clarisse et ses copines. Les meurtriers, c’est aussi toi, moi, vous, eux… tous ceux qui ont décidé de tourner le dos à ces gamines qui, au fond, ne demandent qu’une chose : le droit de disposer de leur corps !