À l’approche des élections de 2020, les associations comme Unissons-nous pour la promotion des Batwa (UNIPROBA) et l’Association pour le développement et la réintégration socio-économique des populations à moyens limités (ADRSEPAL) ont déjà sensibilisé la communauté twa à élire et se faire élire. Longtemps écartés de la société, ils veulent éradiquer les mots « discrimination et « victimisation » entre autres maux qui les ont toujours hantés.
La place des Batwa est presque insignifiante dans la vie politique burundaise. Selon le politologue Gérard Birantamije, leur rôle se résume à quelques places cooptées au sein de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ils sont quasiment absents dans toutes les autres sphères institutionnelles et administratives (gouvernement, magistrature, haute administration publique ou encore l’administration locale). En outre, ils sont presque absents dans les structures de socialisation politique (les partis, les écoles, les médias, etc.) pour influer sur le cours de la vie politique burundaise.
Dans une étude qui a été réalisée par l’Uniproba, il a été révélé que 82% des Batwa ne sont pas allés à l’école, ni les hommes ni les femmes. Seuls 22,1% ont pu aller à l’école et ont pu étudier jusqu’à la fin de l’école secondaire. L’autre catégorie, 0,60%, est celle qui a fait l’université, dixit l’honorable Nengo, représentant de l’Uniproba. Ceci constitue un handicap pour leur présence sur la scène politique burundaise et dans la prise de décisions.
Penser à soi
Toujours selon le politologue Gérard Birantamije, malgré la dimension démographique, l’analphabétisme, qui influe sur leur participation dans la politique et dans la sphère de prise de décisions, est le grand mal. Les Twa ignoreraient qu’ils peuvent constituer une force politique pouvant influencer le cours des événements.
« L’on a vu cela en 2014 lors de la tentative du régime CNDD-FDD de changer la Constitution et de supprimer toute référence à l’accord d’Arusha. Les représentants du peuple de l’ethnie Twa ont pris l’option d’abattre l’Accord d’Arusha qui leur avait donné cette place au soleil. Ils n’ont pas compris que c’était le moment ou jamais de défendre leur place. Bref, le peu d’acteurs politiques représentant cette communauté doivent se rendre à l’évidence qu’ils sont là pour défendre au-delà des intérêts de la nation entière, les intérêts de leur communauté », nous fait savoir Gérard.
Se faire élire, un défi pas facile à relever
Selon l’honorable Emmanuel Nengo, il est prévu des séances de préparation de ceux qui vont représenter les Twa, au niveau collinaire, des communes et dans le Parlement. Il leur est recommandé également d’intégrer les partis politiques, pour ceux qui n’ont pas encore fait le pas, afin qu’ils se fassent élire. D’ailleurs, intégrer les partis politiques n’est pas si difficile.
Ce que déplore Monsieur Nengo, c’est le fait que souvent ceux qui se font enregistrer pour se faire élire se retrouvent en dernière place : « Quand nous présentons à la CENI des candidats qui ont fait de longues études, elle met en avant ceux qui ont le niveau le plus bas. Ce qui nous laisse toujours abasourdis, et confus. Mais nous réclamons toujours, nous ne baissons pas les bras, malgré la sourde oreille qu’ils font. »
Les femmes twa, non à la double victimisation !
Josiane, jeune étudiante à l’université du Burundi, du haut de son 1,50m, dit avec assurance qu’elle va se faire élire dans le conseil communal de sa province natale, Mutimbuzi. Pour elle, il est plus que temps que les femmes twa soient représentées dans la prise de décisions. Ce qu’encourage Leonidas Habimana, le représentant de l’ADRSEPAL. Dans leur association, ils sensibilisent les femmes, à sortir de leur cocon, pour se faire élire, et ne plus se sentir doublement marginalisées, discriminées. D’abord en tant que femme, et ensuite en tant que femme twa. D’ailleurs, que ce soit dans l’Uniproba, ou ADRSEPAL, ou les autres associations des Batwa, les femmes sont de plus en plus présentes.
L’enjeu pour les Batwa, c’est comment ne pas jouer le jeu de ceux qui les discriminent, comme dirait le politologue Birantamaje : « La liberté ne se mendie pas, elle s’arrache. Il revient aux Batwa de s’impliquer activement dans la politique, de prendre des positions claires sur les grands enjeux politiques, et de ne pas se contenter des miettes. Je sais que ce n’est pas une tache facile pour une communauté sans boussole, sans leaders », mentionne-t-il. Mais c’est cela le grand défi qui leur est lancé. Comment peser sur cette balance ethnique au-delà de la démographie qui leur est défavorable.