Site icon LE JOURNAL.AFRICA

#ThePoliticianWeWant : Bwiza, la ville qui ne dort jamais

Quand on entre dans la zone Bwiza, on a presque le sentiment d’avoir changé de ville et de  pays. Ici, tout le monde -ou presque- parle Swahili et les gens parlent à vive voix. Les femmes sont toutes bien maquillées peu importe l’heure de la journée. Apparemment, qui dit Bwiza, dit business.

Il y en a de toutes sortes : salons de beauté, pharmacies, bars et boites de nuit, petits commerces a.k.a « kasoko », magasins d’habillement, écoles, églises, boucheries, etc… et ils sont carrément juxtaposés. Pour ceux qui n’ont pas de place fixe, ils se sont approprié les deux extrémités des routes pavées du quartier. 

On pourrait penser que le fait que sur quasiment toute la deuxième avenue du quartier longent des bars proposant du « michopo » sans aucune différence rendrait le business impossible. Le fait qu’aucun des bars n’est jamais vide prouve le contraire. 

Si le matin on se retrouve avec une gastro due à la viande ingurgitée la veille, non loin de l’endroit même où on l’a chopé, il y a une pharmacie. Pratique non ?

À la troisième avenue, on peut se régaler avec une nourriture faite façon maison chez « Maman Solo » et si le soir on veut sortir, à la quatrième avenue, il y a une boite de nuit phare, le « Cinq sur cinq » avec son hôtel particulier où la règle d’or est inscrite en caractères assez visibles à l’entrée : « Les garçons seulement ». 

Duo de cultures

La réputation de quartier qui ne dort jamais, elle le doit sûrement à l’héritage de la danse et la musique qu’elle a tiré de ses premiers habitants quand elle s’appelait encore « Ibeleshi ». Un quartier où habitaient presque entièrement des Congolais de toutes les origines qui étaient des travailleurs de l’administration coloniale belge. Beaucoup rentreront dans leur pays après la proclamation de l’indépendance mais l’empreinte qu’ils y ont laissée est toujours présente. 

Besoin d’une manucure pédicure ou d’un coup de peigne rapide et abordable ? Pas de panique, vous êtes à Bwiza, il y absolument tout. Par contre, bonne chance pour faire comprendre aux coiffeurs ce que vous voulez comme coiffure si vous n’avez pas ne serait-ce qu’une petite notion de Swahili. Et oui…

Un habitant du quartier m’a même dit que les Congolais qui n’ont jamais mis un pied au Burundi connaissent quand même le quartier Bwiza et que c’est le premier quartier qu’ils veulent visiter quand ils viennent ici. Ceci explique pourquoi il est quasi-impossible de faire deux pas dans ce quartier sans voir une voiture avec une plaque d’immatriculation congolaise. « Beaucoup de filles du « métier » pensent que c’est dans les endroits chics de la capitale où elles vont pêcher de gros poissons mais elles ne savent pas que c’est dans les bars de Bwiza qu’il y a plus de chances de rencontrer un Congolais plein aux as qui peut vous donner jusqu’à 200$ sans rien demander en retour, juste parce que vous avez bien discuté. D’ailleurs, on mourrait de faim s’il n’y avait que des nationaux, ils ne paient pas aussi bien », raconte Vanessa, une travailleuse de sexe qui semble bien épanouie dans le « game ». Elle me parle d’un fameux bar de l’avenue de l’Université comme étant son endroit favori pour de telles prises. 

Potentiel économique 

Élie est un vendeur ambulant. Pour lui, le quartier Bwiza a un énorme potentiel pour le business parce qu’il est tout proche du centre-ville et parce qu’il y a beaucoup de circulation. Mais, ici, les habitants n’ont pas vraiment de travail fixe et ils sont parfois obligés de faire des magouilles ici et là pour survivre.  « Le leader idéal, c’est celui qui prendrait conscience de la nécessité de créer des emplois pour les jeunes talentueux du pays. Le leader idéal nous aiderait à créer des coopératives qui accordent des prêts aux petits vendeurs pour qu’ils aient l’espoir d’un jour voir leur commerce évoluer. Un leader qui fera que le bas peuple ne soit plus là que pour subir les décisions prises dans l’avantage des hauts placés », dit-il d’une voix très sure, en gesticulant, comme si lui-même ferait un bon leader.

« Un opposant ne devrait pas rendre la tâche impossible au pouvoir en place. Parce que saboter les dirigeants ne fait que se répercuter sur le peuple. Un opposant devrait plutôt gagner la confiance du peuple par ses actions et par ses paroles et non pas rajouter de l’huile sur le feu », ajoute Élie. 

Par contre, pour Martin, coiffeur dans un salon de beauté du coin, c’est un peu différent. « Le dirigeant idéal, c’est le cadet de mes soucis. Quand il sera élu, il ira remplir ses poches et celles de ses proches. Donc, je préfère juste celui qui nous donnera une bonne bouteille et igiti c’inyama (une bonne brochette) quand il sera en tournée de campagne électorale. Après, je vais aller voter pour lui. Bapfume batwica ariko twarariye na make. »

Des idéaux pareils de la part d’un jeune poussent à se demander si ce désintérêt est un effet d’âge ou alors un effet de confiance brisée et de désillusion.

En attendant le dirigeant idéal, si il vous arrive d’avoir une ‘lundiose’, passez à Bwiza pour un remède magique. On les appelle « les lundis méchants » et je vous assure, ils sont féroces ces sacrés lundis !

 

Quitter la version mobile