Avec ses femmes juchées gracieusement sur les vélos et sa commune subdivisée en villages, Gihanga nourrit presque tous les bébés de Bujumbura par sa production laitière. Mais Gihanga a aussi ses défis et attentes…
C’est un samedi matin, le soleil se fraie à peine le chemin dans un ciel voilé. Il est 7 h du matin et de jeunes femmes enfournent des vélos chargés de bidons d’eau, tantôt du bois de chauffage ou encore des semences de patates douces, « Imivyuka ». On est à Gihanga. C’est un endroit aussi réputé pour la culture du riz qui influence la polygamie. C’est d’ailleurs la curiosité de rencontrer ces femmes hors du commun qui me pousse à y aller.
Des rizières bordent la route, la verdure est attrayante. Cette végétation est agrémentée par les femmes qui passent et repassent en pédalant à toute vitesse : c’est beau ! Je ressens une énorme envie de leur parler, elles qui pratiquent une activité presque exclusivement réservée aux hommes dans plusieurs autres régions du pays. Je tente une discussion avec une femme rencontrée au village 4. Elle est d’ailleurs très gentille et me permet même de me monter sur le porte-bagages derrière elle. Je me régale à être transportée par une paire, le moment le plus agréable sans doute de mon excursion. Malgré le sourire qu’elle arbore, la jeune femme avoue vivre un calvaire au fond de son cœur.
Aline, c’est son nom. Elle a eu son diplôme des humanités générales en 2017. Elle aurait voulu continuer ses études et voir ses rêves de devenir économiste se réaliser. Hélas, les moyens financiers et la mentalité de ses parents ne le lui ont pas permis. « Mes parents ne peuvent pas accepter de financer des études supérieures pour une fille ». Elle s’est alors résolue à pratiquer le petit commerce afin de subvenir à ses petits besoins quotidiens. « Je tiens une pâtisserie. Ce vélo me sert à transporter les bidons de lait que je revends en petite quantité, en détaillant ».
« Des politiciens tolérants…»
La découverte de la commune continue. Nous nous arrêtons à quelques mètres du cimetière de Mpanda, il y a un petit marché. À quelques mètres de là, je rencontre un jeune homme, professeur au lycée communal de la localité. Natif de Kayanza, il est là pour le boulot. Il ne tarde pas de me raconter ses difficultés de travailler dans une commune qui n’est pas la sienne et la double attention qui accompagne ses faits et gestes quotidiens. « Cela définit la situation sécuritaire. Comme le disait un certain philosophe, la paix, ce n’est pas l’absence de la guerre ».
Pour lui, les politiciens qu’il aimerait avoir en 2020 sont ceux qui renforcent la cohésion sociale des citoyens lambda. « Tout ce qu’on vit ici même sur la colline est dû à l’échec de consolidation de la paix d’en haut, umwera uva i bukuru ugakwira hose ».
Et si on cohabitait dans la paix
Paul, le jeune professeur, n’étant pas affilié au parti au pouvoir, il confie vivre dans la crainte : « Je veux des politiciens tolérants, qui prônent la démocratie pour tous. Ceux qui combattent par leurs projets et non par les armes ».
Même son de cloche chez Diane, une jeune étudiante d’université, native de Gihanga. En pantalon jeans et T shirt Lacoste, la jeune femme qui passe la plupart de son temps dans la capitale se désole d’entendre des confrontations entre ses anciens voisins à cause de leurs appartenances politiques. « Un pays ne peut pas se développer sous ces chicaneries, qu’ils trouvent un terrain d’entente et travaillent pour qu’on développe le pays ensemble ».
La commune de Gihanga est l’une des cinq qui composent la province de Bubanza, située dans le nord-ouest du Burundi. Elle est subdivisée en 12 collines réparties sur 2 zones (Buringa et Gihanga). La population de la zone Gihanga est regroupée en 6 villages. Les habitants de cette commune vivent principalement de l’agriculture et de l’élevage. Et pour ceux qui ne le savaient pas, le plus grand cimetière du Burundi, Mpanda, se trouve dans la commune Gihanga.