Le sommet des chefs d’État de l’EAC a convenu en 2017 de la Confédération politique comme modèle de transition vers la Fédération politique. La rédaction de la Constitution doit se terminer en 2022. Un projet ambitieux mais potentiellement irréalisable.
Des consultations en vue d’une Constitution de la confédération politique des États de la Communauté de l’Afrique de l’Est sont en cours dans différents pays de cette communauté. Elles s’inscrivent dans la logique de la réalisation de la Fédération politique, quatrième et dernier pilier de l’intégration de la communauté de l’Afrique de l’Est, adoptée par le sommet des chefs d’Etat en 2017.
Le président ougandais se dit favorable à la création d’une fédération politique au sein de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Il invoque par ailleurs le traité de création de la Communauté.
Le 18 novembre dernier à Entebbe, il a assuré que la Fédération politique garantirait la sécurité stratégique des « petits pays » membres de la Communauté contre les menaces extérieures. En plus, a-t-il souligné, elle redynamiserait les efforts visant à promouvoir la prospérité de tous les « Africains de l’Est » grâce au commerce et à la croissance économique.
Gitega n’est pas prêt
Dans une conférence de presse du 5 septembre 2019, Isabelle Ndahayo, ministre à la présidence en charge des Affaires de la communauté Est-africaine a déclaré que la confédération politique est un défi pour le gouvernement burundais : « Le ministère en charge des Affaires de l’EAC craint que le Burundi y perde sa souveraineté ».
En plus des questions liées à la perte de la culture, à la gestion des terres, et à l’indépendance économique, des inquiétudes au sujet de la perte de la souveraineté par les États avaient fait l’objet d’analyses lors de la session parlementaire de l’EAC tenue à Bujumbura en 2011. Le président de l’Assemblée nationale du Burundi d’alors, Pie Ntavyohanyuma, avait insisté sur le dialogue dans la perspective de la concrétisation de la Fédération politique.
Volonté politique d’abord !
Olivier Nduhungirehe, secrétaire d’État rwandais en charge de l’Est African Community, met de son côté l’accent sur « la volonté politique » pour terminer l’intégration de la Communauté de l’Afrique de l’Est. Sur les quatre piliers de l’intégration (l’union douanière, le marché commun, la monnaie commune et la fédération politique), fait-il savoir, les deux premiers ont déjà été atteints, « même s’il reste des obstacles à leur mise en œuvre effective ».
Dans un article de 2015 sur ladite communauté, l’historien et universitaire burundais, Joseph Gahama, citant Albanel Simpemuka (2010), indique que le premier obstacle à l’intégration est de nature politique : « La région souffre d’un lourd déficit démocratique : certains chefs d’États sont encore allergiques à l’alternance, ils ont conquis le pouvoir par la force et ils le gardent par la fraude et/ou la répression ».
L’universitaire appelle à la prudence
D’après lui, citant toujours Simpemuka, il faut avoir d’abord des États de droit et épanouir la démocratie, l’alternance et les libertés, « au lieu d’additionner des problèmes, de mettre ensemble des égocentrismes et de créer un espace de concurrence sauvage ». La réflexion de l’universitaire appelle aussi à prendre des précautions sous peine d’obérer les progrès déjà atteints : « Fédérer des pays sans démocratie, c’est bâtir une œuvre sans lendemain».
Personnellement, le projet de la Constitution de la communauté de l’EAC me semble tellement utopique que je prends le risque d’affirmer qu’elle ne sera jamais appliquée. Tous les États (puissants comme faibles) sont jaloux de leur souveraineté et cherchent à tout prix à exercer le pouvoir sans partage dans la limite des frontières de leurs territoires. Aucun État, pauvre soit-il, petit soit-il, ne pourra renoncer (volontiers) à sa souveraineté pour quelque raison que ce soit.
Souveraineté, obstacle incontournable
Si les architectes de ladite Constitution inventaient des dispositions spécifiques visant à partager la souveraineté entre la confédération et les États membres, les États restent les perdants. Je m’en tiens à ce proverbe russe : « Quand la souveraineté se partage, elle est bientôt détruite ».
Les autorités des pays membres de l’EAC, s’ils veulent que la communauté ne vacille ou ne soit complètement dissoute comme en 1976, neuf ans seulement après sa création (elle fut rétablie en 2000), se devraient d’éviter des projets pouvant priver les États membres de ce qu’ils ont le plus cher, l’ADN même de leur existence.
Qui des chefs d’État est prêt à céder son fauteuil ?
Le secrétaire général de la communauté de l’Afrique de l’Est estime qu’« une fédération politique est impérative dans cet environnement mondial ». Mais il est sans ignorer que les États tiennent naturellement au respect de leur souveraineté et celle-ci se matérialise notamment dans la capacité à élaborer leurs lois souverainement.
En plus du principe de la souveraineté et tous les obstacles susmentionnés, les rivalités et conflits prononcés entre les chefs d’État membres de l’EAC présagent qu’aucun ne peut accepter de céder le fauteuil présidentiel pour hériter le poste de gouverneur. De ce fait, la volonté politique, dont parle le secrétaire rwandais est infaisable.
Les 4,8 millions de dollars américains nécessaires, selon M. Mfumukeko, pour la rédaction de la dite Constitution et toutes les activités y afférentes, devraient être a waste of money.