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Pourquoi les Burundais devraient lire « Un si beau diplôme »

Dans son livre Un si beau diplôme, l’écrivaine rwandaise Scholastique Mukasonga raconte comment son père l’a encouragée à faire des études pour échapper à la misère et à la persécution. En 1973, elle sera obligée de s’exiler pour continuer ses études d’assistante sociale au Burundi, puis en France. 

Scholastique Mukasonga a l’art de raconter des choses graves de manière drôle. On ne peut pas s’empêcher de rire en lisant son livre, même s’il s’agit d’une histoire de haine, de malheur, de pauvreté, d’exil. C’est sans doute grâce à ce talent qu’elle a eu le prix Renaudot pour son roman Notre-Dame du Nil en 2013.

Dans son récit autobiographique Un si beau diplôme (Gallimard, 2018), l’écrivaine rwandaise raconte comment son père, ancien commis de l’administration coloniale (umukarani), l’a encouragée à faire des études pour avoir un beau diplôme, idipolomi nziza, qui lui permettrait de survivre à la misère, mais aussi à la persécution dont sa communauté était l’objet. 

En 1973, comme ses camarades tutsi, elle est chassée de l’École sociale de Karubanda à Butare, où elle avait été admise. Elle est donc obligée de s’exiler au Burundi, comme beaucoup de ses compatriotes qui fuyaient les persécutions du pouvoir de l’époque. Ainsi commence une longue vie d’exil. Heureusement, Skolastika sera admise à l’École sociale de Gitega, et aura le diplôme tant convoité. 

La désillusion 

Malheureusement, elle devra vite déchanter puisque, malgré le beau diplôme, elle ne parvient pas à trouver du travail dans l’administration burundaise. Elle devra encore déchanter plus tard quand elle arrivera en France, avec l’intention de pratiquer son métier d’assistante sociale, et qu’on lui signifiera que son diplôme burundais n’a aucune valeur et qu’elle ne peut pas avoir du travail avec. Heureusement, grâce à sa détermination, et malgré de nombreux obstacles, elle parviendra à reprendre ses études d’assistante sociale en France, toujours à la poursuite de ce beau diplôme qui lui permettra enfin d’exercer son métier. 

Enfin, et c’est peut-être le plus important, ce diplôme sauvera Skolastika, puisqu’il lui permettra d’échapper au génocide de 1994 qui emportera tous les membres de sa famille restée au Rwanda, alors qu’elle poursuit ses études en France à cette époque. 

Un aperçu de la terreur sous Micombero 

Un si beau diplôme intéressera les jeunes burundais, puisque la moitié de l’histoire du livre se passe au Burundi. Le livre permet aussi d’avoir un aperçu de la situation de terreur qui régnait sous Michel Micombero. Je me permets de citer ce passage du portrait du gouverneur de Gitega de l’époque qui m’a beaucoup amusé :

« Gitega était aussi célèbre, et moqué, à l’époque pour son fameux et inamovible gouverneur. Septime Bizimana exerçait sur Gitega et la province du même nom une tyrannie aussi arbitraire que suspicieuse. Ni  ses administrés ni les étrangers résidents ou de passage n’étaient à l’abri de ses lubies sadiques. Il était particulièrement détesté par les intellectuels, fonctionnaires, professeurs, médecins, qui le tenaient pour un rustre illettré. Ceux qui avaient quelques lettres latines l’avaient surnommé Septime Sévère. Septime obligeait donc tout ce petit monde à venir lui faire la cour tous les soirs au Cercle, cette vieille institution coloniale, à la fois bar, restaurant et hôtel… Pour les fonctionnaires, se réunir dans un cabaret du Camp swahili aurait pu être considéré comme un préparatif du complot et assimilé à un acte de haute trahison. »

Je recommande aussi ce livre aux étudiants et aux diplômés au chômage, qu’ils soient dans leur pays ou en exil. Même si ce livre n’est pas un manuel sur la recherche d’emploi, la façon dont Scholastique, jeune diplômée et réfugiée, parcourait tous les bureaux de Bujumbura à la recherche d’un emploi a fini par payer et devrait inspirer beaucoup de personnes.

 

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