LE JOURNAL.AFRICA

#NtaKoriMuKwezi : comment rendre les serviettes hygiéniques plus abordables ?

De 2016 à 2018, le prix d’un paquet de serviettes hygiéniques est passé de 1500 à 2000 francs burundais. Une augmentation de 34 %. Difficile de se procurer ce produit si essentiel si l’on peine à satisfaire ses besoins fondamentaux. Quelques pistes de solution ainsi que leur source de financement peuvent être explorées pour changer la donne. Analyse.

Selon le récent Tarif Extérieur Commun de l’EAC, les serviettes et tampons hygiéniques, couches et langes pour bébés et autres articles similaires en toutes matières,  sont exonérés des droits de douane. C’est une chose louable. 

Cependant, les femmes doivent débourser une TVA (taxe sur la valeur ajoutée) de 18% lorsqu’elles achètent les serviettes hygiéniques. C’est énorme pour quelqu’un qui n’a qu’un revenu mensuel moyen de 23 dollars américains, l’équivalent de 45 000 francs burundais par mois. 

Deux voies à explorer

La première étant la détaxation. Ainsi, les prix des serviettes hygiéniques pourraient diminuer. Pour y arriver, une loi sur la taxe d’accise peut être votée afin de supprimer la TVA sur les serviettes hygiéniques. Si on doit prendre exemple sur notre sous-région (contrairement à ce que soutenait un cadre de l’OBR ici), le Kenya s’y est mis depuis 2004, le Rwanda vient tout juste de lui emboîter le pas. La Tanzanie avait aussi passé le cap en 2018, avant de rétropédaler, au grand dam de tout le monde.

Faut-il alors attendre du gouvernement burundais qu’il prenne l’initiative de lui-même ? Pas forcément. Pour le moment, les élus du peuple et les organisations de la société civile peuvent se mobiliser pour solliciter une action gouvernementale.

Comment les élus et la société civile pourraient-ils s’y prendre ?

Leur principale mission serait de démontrer au gouvernement que les serviettes hygiéniques ne sont pas des produits de luxe,  mais bel et bien des produits de première nécessité. Il est quasi impossible de se passer de protections menstruelles pendant les règles.

Par ailleurs, les élus du peuple détiennent le pouvoir de proposer au gouvernement une loi sur la suppression de la TVA et/ou la gratuité des serviettes hygiéniques.  

Cependant, le marché des serviettes hygiéniques est segmenté. Le prix varie entre 2000 et 8000 francs burundais. Pour éviter que cette détaxation ne profite même aux femmes qui peuvent naturellement se payer les protections périodiques, l’État peut détaxer seulement celles à faible prix.  

Une autre solution, complémentaire à la première. La détaxation peut être accompagnée par une mesure de gratuité des serviettes hygiéniques pour les femmes de conditions modestes. 

Ces serviettes pourraient alors être disponibles dans tous les centres de santé, dans les hôpitaux, dans les boutiques ou autres centres de ventes. Priorité serait donnée aux femmes détentrices de la carte d’assurance-maladie.

En effet, même si l’État détaxe ce produit, il se peut que toutes les femmes n’y aient pas accès malgré tout. Une suppression de la TVA de 18 % ramènerait le prix d’une serviette hygiénique à 1640 francs burundais au lieu de 2000. Est-ce que ce prix serait abordable ? Je ne pense pas.

Où trouver l’argent ?

À mon humble avis, les ressources, pour compenser le manque à gagner des recettes en cas de détaxation et/ou  en cas de prise en charge totale, ne manquent pas.

Un exemple. La loi des finances limite normalement les exonérations à 18 milliards de francs burundais. Au cours des deux dernières années, les exonérations octroyées ont dépassé le seuil exigé par la loi. Elles varient entre 100 et 110 milliards. En 2016, elles s’évaluaient autour de 100 milliards de francs burundais. Pas très loin des 111 568 000 000 de francs burundais qu’affichait l’exécution du budget général de l’État au 30 septembre. De quoi combler le manque à gagner en cas d’assouplissement de la fiscalité sur les serviettes hygiéniques.

D’autres moyens sont à la disposition de l’État pour soutenir la détaxation et/ou la prise en charge totale dans l’accès aux serviettes hygiéniques. Il peut même exiger aux ONG intervenant dans les secteurs de la santé et de la promotion des droits des femmes de consacrer au 10 % de leur budget à l’achat des serviettes hygiéniques. « Là où il y a de la volonté, il y a un chemin », dit-on.

 


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