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« Pendant mes règles, il m’arrive d’utiliser des feuilles de bananier !»

Selon une enquête de 2018 du Rotary club de Ngozi, dans les communes Gashikanwa et Mwumba, 68 sur 77 élèves du milieu rural n’ont pas accès aux serviettes hygiéniques pendant leurs menstruations. Comment s’y prennent-elles alors ?

Vava* est une écolière de la 6ème année à Gashikanwa. Elle a eu ses premières règles quand elle était en 5ème année. Depuis lors, elle dit se servir de vieux morceaux de tissus. D’un côté, elle est gênée de revivre chaque mois cette période qu’elle considère comme une malédiction. De l’autre, elle éprouve de la honte à laver ses linges. Elle profite donc de la nuit pour faire la lessive ou bien quand personne n’est dans les parages. Cette situation impacte sa vie scolaire : « Quand ça arrive au moment des cours, on a l’impression que tout le monde est au courant. Depuis, on ne suit plus normalement la leçon.» Selon elle, beaucoup préfèrent s’absenter sans permission au lieu d’être la risée des camarades.

En 2018, Rotary Club de Ngozi a conduit une étude sur la gestion hygiénique des menstruations et son impact sur la santé et la qualité de l’éducation des filles dans les écoles. Selon cette enquête faite par Jean Claude Nkezabahizi, des filles sont humiliées à l’école pendant les menstruations. « Ceci a des conséquences négatives variées sur sa psychologie comme le stress, perte de l’estime de soi, perturbations des relations familiales si la fille décide de s’absenter pendant toute la période de menstruations ou tout simplement elle abandonne complètement l’école » indique-t-il, expliquant  qu’une telle situation peut aussi amener la victime à développer un comportement de haïr/fuir ses camarades.

Précarité menstruelle

Alors que beaucoup parviennent à se trouver de bouts de tissu, la situation est plus que déplorable pour Cynthia*. Aujourd’hui en 7ème année fondamentale, elle fait ses études à l’une des écoles au cœur de la commune Mwumba. Elle avoue s’être servie plus d’une fois de feuilles de bananier, faute de tissus. « Je n’avais  pas de vieux tissus à utiliser. Je portais les mêmes habits, à l’école et à la maison », révèle cette adolescente de la communauté Batwa. Elle dit qu’aujourd’hui un bienfaiteur lui donne des habits à porter. « Je me sers alors des plus usés parmi ceux-là ». 

Selon l’enquêteur, plusieurs facteurs entrent en jeu comme la pauvreté dans les ménages, manque d’éducation sur les menstruations, et parler de la vie sexuelle aux enfants considéré comme tabou pour certains parents. L’enquête de Jean Claude Nkezabahizi a alors montré que sur 77 filles prises comme échantillon, 68 ont avoué n’être pas au courant des serviettes hygiénique spécifiques à cette période. En plus, elles disent être incapables de s’en acheter. « Mises à part des répercussions sociales et psychologiques, cela peut occasionner  des maladies physiques comme des infections urinaires », déplore le chercheur.

Subventionner les serviettes hygiéniques serait un remède

Les jeunes élèves interpellent les responsables scolaires à intervenir. « Nous n’avons pas d’argent pour nous en acheter. Tout le monde le sait. L’école ferait mieux de nous en procurer. Gratuitement. » 

Pour le compte de Rotary Club de Ngozi, le gouvernement devrait subventionner ces serviettes pour qu’elles soient accessibles à tous. Une autre alternative, d’après cette organisation, serait de confectionner des serviettes hygiéniques lavables et réutilisables, de longue durée.

 

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