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« Umurundikazi », seule face aux menstruations

Les menstruations ! Dites-le une deuxième fois avec moi : les menstruations ! Je ne sais pas combien de fois il va falloir que j’écrive ce mot, pour qu’à la fin du billet, il n’évoque plus de dégoût à personne, mais oui, il va falloir parler de menstruations.

Chaque mois, toute Burundaise en âge traverse discrètement cette période. Mais toutes ne la vivent pas dans le même confort. Elles ont toutes besoin de produits hygiéniques. Mais toutes n’ont pas le luxe de s’en payer. Ces produits coûtent en moyenne 2000 Fbu la boîte, ce qui représente un budget annuel avoisinant les 25000Fbu. C’est beaucoup, beaucoup trop. Pour beaucoup moins que ça, des enfants n’étaient pas scolarisés avant l’an 2005.

En milieu rural, les femmes adoptent des moyens de fortune les exposant à des infections. Les jeunes filles se voient obligées de s’absenter en cours et sont souvent sujettes à du harcèlement scolaire. Ce qui les atteint le plus et devrait faire mal à notre humanité, c’est leur dignité qui en pâtit, obligées de vivre cachées, avec toute une série d’interdits « imiziro » qui s’appliquent à leur condition. Malheureusement, dans un pays ou le tabou autour de la santé sexuelle fait la loi, l’hygiène menstruelle ne peut pas être un sujet de santé publique.

Une fiscalité indécente

Commençons bien par la fiscalité car, sur le prix des produits hygiéniques, pèse la part de la fiscalité. La fiscalité a normalement trois principaux rôles : financier, économique et social. Financier pour financer l’action publique, économique pour encourager ou décourager un comportement ou un secteur particulier, et social pour venir en aide aux nécessiteux. La fiscalité sur les produits hygiéniques à usage féminin est absurde et sexiste. Elle fait payer la femme parce qu’elle est née femme et érige l’homme en dieu. En fait non, elle ne fait pas que faire payer la femme, elle l’en punit. 

Et cette fiscalité n’a aucun sens social car elle affecte de misérables femmes alors qu’au même moment, certains membres du gouvernement et parlementaires se voient permettre d’importer des véhicules exonérés de droits de douane. Voir, à ce sujet l’ article 86 de la loi No 1/14 du 30 juin 2019 portant fixation du budget général de la république du Burundi pour l’exercice 2019/2020. Quel sens de justice sociale y a-t-il à favoriser davantage ceux qui le sont déjà ? Qu’est-ce qu’on peut viser en décourageant l’achat de produits sanitaires de première nécessité à usage féminin ? Si c’est de l’argent qu’il faut à l’État, on ne toque certainement pas à la bonne porte.

Corriger ces inégalités

Détaxer les produits hygiéniques serait un petit pas vers plus d’égalité homme-femme. Mais cela ne suffirait pas. Le gouvernement devrait s’engager à reconnaître ces produits comme des produits de santé pouvant être remboursés par le système de soins, voire s’engager pour une gratuité ou tout au moins un plafonnement du prix de ces derniers. Le financement de cette mesure peut passer par la taxation des plus hauts revenus et des plus grosses fortunes de ce pays. 

Comment concevoir qu’un tel produit soit aussi cher et inaccessible à une femme qui a du mal à s’assurer de deux repas par jour, alors que d’autre part ces mêmes femmes sont censées financer le train de vie d’une personnalité dont la famille a deux, trois (voire plus) véhicules et villas ?

Quand on aura acquis ce pas vers plus d’égalité, on pourra alors aborder d’autres combats.

 

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