Avec la ratification par le Burundi du traité de l’EAC sur l’élimination des barrières non-tarifaires, les barrières qui ne sont pas légales devraient être levées. Nonobstant, des barrières subsistent à l’intérieur des communes et entravent la libre circulation des biens et des personnes. À quand leur élimination ?
Muyinga 13h47’. Nous sommes au Nord-Est du Burundi. En chemin pour le mariage d’un ami à Ruzo, une chose capte mon attention. Les cordes servant de barrières sont légion. Je traverse deux communes de cette province, Butihinda et Giteranyi. De Kobero jusqu’à Giteranyi, nous traversons 5 barrières. De Giteranyi à Ruzo, 4 barrières. Elles sont gardées par des civils et quelques fois par des policiers. Heureusement que je suis avec un ami, habitué de la région. On dirait que dans ce coin, tout le monde connaît tout le monde.
Tout nouveau passant doit brandir sa carte nationale d’identité, et les véhicules fouillés alors que les habitués passent à l’aise. « Des taxes sont prélevées sur les marchandises en transit, surtout sur ceux qui s’approvisionnent en Tanzanie », me confie mon compagnon de route. Lui demandant à voix basse le pourquoi de ces barrières, il me révèle qu’il s’agit d’une stratégie de préservation de la sécurité dans cette province frontalier du Rwanda et de la Tanzanie, et aussi pour attraper les présumés trafiquants de fraude.
Triple taxation
Pour les commerçants de la région, ces barrières handicapent leur business. Claude (pseudo) est l’un d’entre eux. Grossiste des jus à Butihinda, il s’approvisionne en Tanzanie. En plus de la taxe en Tanzanie, il paye la taxe légale de l’OBR à la frontière, et se plaint des taxes illégales qu’il est obligé de payer sur une des barrières de Giteranyi et sur les barrières de Butihinda. Des barrières non-tarifaires selon la loi. Selon Claude, ces barrières sont un peu trop lourdes et l’empêchent de jouir pleinement de son business. « Ça me fait perdre du temps, et de l’argent, car à chaque barrière, je dois m’arrêter pour la vérification des tickets de paiements, sans oublier les pots-de-vin en cas de malentendus », fait-il savoir.
Une avancée
Pour faire face à tous ces défis, un comité national chargé du suivi du mécanisme d’élimination des barrières non-tarifaires, est en place depuis 2008. Emile Ndigiriye, membre de cette commission, assure que certaines barrières ont déjà été supprimées. Il donne l’exemple des barrières comme celle sur les marchandises en transit dans les communes de Mabanda et Nyanza-lac, et celle sur les denrées alimentaires en transit vers les communes de Matana et Mugamba. Une élimination qui réjouit plus d’un. « Au final, c’est nous les consommateurs qui en souffraient indirectement, car le coût de revient se répercutait sur le prix d’achat des marchandises », indique un habitant de Nyanza-lac.
Selon le sage Voltaire, « le pays où le commerce est le plus libre sera toujours le plus riche et le plus florissant, proportion gardée ». À mon avis, il faudrait prendre des mesures qui encouragent la libre circulation des marchandises et des personnes, objectifs phares de l’EAC. Par-là, l’identification et l’élimination de ces barrières à l’intérieur des communes devraient être une urgence. Cela améliorerait le climat des affaires et ferait décoller de loin les deux places qu’a gagnées le Burundi lors du Doing Business 2020.