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Menstruations : « Qui oserait demander un ‘‘cotex’’ à son papa ? »

Comme si le traumatisme de voir du sang couler, et sans aucune information, ne suffisait pas, certaines jeunes burundaises souffrent doublement. Elles sont obligées de vivre seules leurs menstruations, financièrement et moralement. Témoignage.

Alida* (le nom a été changé) est une jeune fille rencontrée à Rumonge, originaire de la zone Minago. Quand elle a eu ses premières règles, elle était en septième année. Sa maman ne lui avait jamais parlé de ces fameuses menstruations avant, et même après, d’ailleurs.  « J’étais affolée. Je savais que ça arriverait un jour mais j’ignorais quoi faire », raconte-t-elle. Ayant appris cela par le biais d’une conversation captée par curiosité entre des cousines et sa grande sœur, celle qui fréquente aujourd’hui la troisième année post-fondamental de l’Institut supérieur d’enseignement technique de Rumonge pensait que son tour n’était pas encore arrivé.« Elles me chassaient quand elles papotaient sur certains sujets parce qu’elles me traitaient d’enfant », indique la jeune élève.

À part ce stress psychologique que la jeune Alida est obligée de gérer toute seule, les problèmes financiers commencent.

Des parents aux abonnés absents

« Depuis mes premières menstruations, mes parents ne savent pas où je trouve les serviettes hygiéniques que j’utilise », témoigne Alida. Tantôt utilisant des pagnes, tantôt des habits hors usages, la jeune fille n’a eu droit aux serviettes hygiéniques qu’après deux ans. 

« Au départ, j’utilisais des morceaux de pagnes usés. Parfois, je ratais les cours, d’autres fois, je rentrais avec une jupe tachée et j’étais l’objet de risée à l’école. À chaque fois que je voyais les règles, j’étais traumatisée »

Faire des yeux doux pour financer ses menstruations

C’est en neuvième année qu’Alida commence à s’acheter des serviettes hygiéniques digne de ce nom, après avoir fait le petit commerce pendant les vacances et gagner un peu d’argent. Depuis lors, la jeune fille prenait soin d’épargner l’argent pour acheter les serviettes pour tout le trimestre. Une préoccupation qui l’a poussée à entrer précocement dans une relation amoureuse.  « J’avais toujours des frustrations sur comment trouver l’argent. Des fois, j’étais obligée d’aller faire les yeux doux au boutiquier pour qu’il me les donne à crédit ».

C’est ainsi qu’elle a cédé à la première proposition d’un commerçant qui lui a proposé de sortir ensemble quand elle était en dixième année. «Aujourd’hui, je n’ai pas de problèmes car mon fiancé travaille et me donne l’argent ».

Un matériel scolaire à part entière ?

Alida se désole du fait que beaucoup de parents n’accordent pas d’importance aux serviettes hygiéniques. Pour elle, les serviettes sont aussi indispensables que les cahiers et les stylos. Ils devraient être parmi le matériel scolaire que les parents leur achètent. 

Le cas d’Alida n’est pas isolé. Beaucoup de filles peinent dans leurs coins à avoir des serviettes hygiéniques. Les règles étant conçues comme un sujet tabou, beaucoup manquent de serviettes alors que leurs papas pourraient en acheter pour eux. « Mais qui oserait demander les serviettes hygiéniques à son papa ?», s’interroge la jeune élève.

 

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