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Burundi : pourquoi Bagaza est-il un président d’exception ?

Il y a 43 ans, jour pour jour, le colonel Bagaza mettait fin au pouvoir du président Micombero. Disparu en Belgique en 2016, le gouvernement lui offrit des funérailles en grande pompe et salua un « homme hors du commun ». Mais, ne risque-t-il pas de tomber dans les oubliettes ?   

Le 1 er novembre 1976, un jeune officier renverse le jeune chef d’État (36 ans), le lieutenant général Michel Micombero. Le tombeur du père de la « Révolution » du 28 novembre 1966 n’est autre que le colonel Jean Baptiste Bagaza, âgé de 30 ans. 

Il hérite d’une situation difficile, casse-tête. Quatre ans plus tôt, c’est-à-dire en avril 1972,  le Burundi et les Burundais ont été victimes de l’ « ikiza », ‘‘le fléau’’, j’emprunte le qualificatif à l’historien Jean Pierre Chrétien et au journaliste Jean-François Dupaquier, auteur du livre sur la dite crise. 

Le pays est marqué par des clivages ethniques. Nombreux de ses fils et filles sont réfugiés en Tanzanie, au Rwanda, en exil en Belgique, etc. 

Le président Bagaza abolit le servage, « Ubugererwa », il s’efforce d’abord à mettre en place des instruments juridiques. Il dote le pays des infrastructures, l’accent est mis sur les routes pour « développer les affaires », etc., et les barrages : « Nous avons construit 9 barrages », a-t-il assuré de son vivant. 

Le jeune chef d’État s’investit dans la promotion de la filière café. La production passe en quatre ans de 11 à 40 000 tonnes. Il développe l’agriculture en général : « Nous exportions du maïs en Zambie, à Lusaka, au Zaïre, du riz au Rwanda », a-t-il indiqué. 

Le président Bagaza modernise le pays, le réorganise dans plusieurs domaines, la santé, l’armée, etc. Bref, le pays est mis sur les rails du développement. 

Pas de divisions ethniques 

Depuis l’indépendance, le 1er juillet 1962, jusqu’à cette date, l’Histoire retient que c’est sous le pouvoir du président Bagaza (1976-1987) que le Burundi n’a connu ni de guerres ni de conflits ethniques.  

Le président Nkurunziza lui rendra un hommage le 17 mai 2016 lors de ses funérailles à Kiriri, quartier huppé de la désormais capitale économique : « Il a dirigé le pays dans des moments difficiles. Nombreux orphelins et veuves, moi-même y compris, gardent le souvenir d’un président dont le pouvoir nous a soulagés ». 

Il souligne que le président Bagaza était au service des Burundais : « Il n’y avait pas de clivages ethniques au Burundi pendant que le président Bagaza était aux affaires. Je le témoigne, il se souciait de tous les Burundais, de toutes les ethnies, de toutes les provinces, visiblement, il était un visionnaire et faisait tout pour servir de modèle ».  

Un modèle à suivre  

Et d’ajouter que son prédécesseur de loin n’a ménagé ni ses efforts, ni son intelligence, ni sa conscience pour servir le Burundi. Devant tous ceux que le Burundi compte comme dignitaires, le chef de l’État a rappelé qu’il n’a pas hésité à lui témoigner de son admiration, son amour de son vivant. 

Le président Bagaza mettait en relief les compétences. « Il démit tous les administrateurs en exercice, révéla son grand frère le jour des funérailles, qui n’avaient pas de diplômes. Nous étions 99 administrateurs, il en est resté qu’un seul, l’administrateur de la commune Ngozi qui avait un diplôme d’humanités générales »

Contre le clientélisme 

Son pouvoir n’a pas été marqué par le clientélisme à en croire son grand frère, alors administrateur de la commune Nyanza-lac : « Excellence, vais-je aussi être destitué ? ». Et son frère président de lui rétorquer froidement : « Tu es d’ailleurs le premier qui est renvoyé, vous dirigez alors que vous n’avez pas étudié ». 

Abasourdi, l’administrateur démis s’exclama : « Tu es investi, et c’est mon tour d’être révoqué ! Plutôt, je pensais que j’allais être nommé gouverneur ». N’est-il pas une bonne leçon à apprendre aux générations montantes ? 

Les Burundais gardent le souvenir aussi d’un chef d’État dont le pouvoir a pu organiser jusqu’ici le grand sommet que le Burundi ait jamais accueilli de toute son histoire : le Sommet France-Afrique à Bujumbura en 1984. 

Je réitère ici mon appel d’il y a trois ans quand je proposais qu’un monument à son honneur soit érigé en plein cœur de la capitale : ce serait une erreur de laisser le président Bagaza, qui a su réussir là tous les autres ont échoué, tomber dans les oubliettes.  

 

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