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Burundi : « Qui se soucie vraiment des statistiques ? »

La statistique au Burundi, en tant qu’outil pour photographier l’état de la société, mesurer ses transformations et envisager ses évolutions, incombe à l’Institut de Statistiques et d’Études Économique du Burundi (ISTEEBU). Mais ce dernier fait face à de nombreuses lacunes. 

Il y a une année, j’ai été enrôlée comme enquêteuse de l’ISTEEBU. Le recrutement est un parcours du combattant. Ayant déposé mon dossier comme tout le monde, j’ai dû donner un pot-de-vin de 50 000 Fbu à celui qui m’a arrangé le coup. Adrien (pseudo), avec qui j’ai travaillé, était cousin d’un employé de l’ISTEEBU et ce népotisme lui a servi de cheval de Troie. Plus de questions de compétences. 

Sur terrain, les données récoltées étaient à prendre avec des pincettes. Certains enquêteurs faisaient huit ou dix ménages et inventaient le reste des données, en complétant eux-mêmes les questionnaires sans faire la collecte sur terrain. Je l’ai vu de mes propres yeux. « Qui viendra vérifier pour nous contredire ? », me lançait souvent Adrien. Cela me rappelait les jeunes universitaires qui inventent les données des travaux de fin d’études. Et vous voulez que ça servent à quoi ?

Importance capitale

Les statistiques sont les yeux des décideurs politiques. Le cas du ministère de la Santé avec la récente note N°630/4701/CAB/2019 du 12 septembre 2019 qui changeait la politique de traitement du paludisme à cause des statistiques qui ont révélé la diminution de l’efficacité d’Artésunate-Amodiaquine, en est la preuve. 

Cela témoigne que les statistiques fournissent une base fiable d’éléments pour l’élaboration, la gestion, le suivi et l’évaluation des politiques publiques. D’où le manque de données fiables, pertinentes, régulières et mises à jour, est un défi pour un pays. Sans statistiques, peut-on évaluer le Plan National de Développement 2018-2027 ? Et la vision 2025 ? N’est-ce pas la raison de l’échec des programmes CSLP ?

Des défis à relever

Selon le directeur général de l’ISTEEBU, plusieurs défis sont à relever. Le premier est le manque de la culture statistique chez les Burundais. Nous sommes souvent réticents lors de la collecte des données et mentons souvent sur les informations. En plus, même les données déjà existantes ne sont pas considérées par les institutions du pays. Et rares sont les hommes politiques burundais qui sont imprégnés d’une culture de redevabilité, avec des réflexes d’illustrer leurs discours politiques avec des données chiffrées.

Secundo, il y a manque de coordination des activités statistiques lors de la collecte. Les chiffres sur la récente flambée du paludisme qui ont semé la panique, en sont l’exemple. Tertio, il y a manque des ressources humaines compétentes et de services statistiques opérationnels dans la plupart des ministères burundais. En 2016 par exemple, seulement trois ministères étaient dotés des services opérationnels en collecte statistique. Quarto, c’est le manque de financement des activités statistiques. Cela fait que la plupart des chiffres sont souvent l’extrapolation faites à partir de données partielles, ou de projections faites à partir des données un peu vieilles.

À mon avis, il n’est guère possible de préfigurer l’avenir du Burundi lorsque sont inconnues les situations présentes et les tendances passées. Pour aboutir à la planification socio-économique efficiente et dynamique du Burundi, il faut disposer de données statistiques justes, variées, approfondies, régulières et fiables. À cela, espérons que le nouvel Institut des Statistiques Appliquées apportera la solution aux défis.

 

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