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Pour une histoire de tache sur les draps

Que la nuit de noce soit une étape pour les nouveaux mariés est un fait. Ce que l’on sait moins, c’est la myriade de traditions et pratiques qui entourent l’évènement. Et parmi elles, gutwikurura (le lever de voile) au cours duquel les jeunes mariés doivent produire un tissu tacheté du sang de la mariée pour prouver sa virginité. Entre incrédulité de la famille de l’époux – pour la cause, les subterfuges sont légion – et volonté de persuasion de la famille de l’épouse. Témoignage.

Le jour J est enfin arrivé. J’appelle le président du comité d’organisation de mon mariage pour une dernière mise au point. « Tout est ok », m’assure-t-il. « Même le beau soleil est au rendez-vous », ajoute-t-il. De l’Église jusqu’à la salle de réception, tout se déroule à merveille. 

Fatigués, mais soulagés que les cérémonies se soient bien passées, jeune couple que nous sommes, nous rentrons à la maison. Arrivés à notre nouvelle demeure, nous prenons notre temps pour passer à l’acte. Après une nuit nuptiale pleine de volupté… (je vous épargne les détails), on se repose enfin aux aurores. Mais le repos fut de courte durée. 

À peine 7h du matin, on sonne à la porte et qui est-ce donc ? Les tantes de mon épouse ! « Karibu ! Vous êtes si matinales, y a-t-il un problème ? ». « Nous venons prendre le drap de noce », répliquent-elles. 

Je savais que cette coutume existait, mais j’ignorais qu’elle était toujours d’actualité. Elles entrent dans la chambre, et aperçoivent une tache rougeâtre sur le drap. Tout à coup, elles poussent des cris de joie. « Tu dois appeler ta mère et lui dire d’envoyer des gens pour vérifier, car nous voulons la transparence », me disent-elles. 

Je donne un coup de fil à ma mère et quelques minutes plus tard, mes tantes aussi débarquent. Elles entrent dans la chambre, voient le drap et commencent à l’analyser.

Mes tantes : Cette tâche n’est pas nette. Votre fille n’est pas vierge.
Ses tantes : Que voulez-vous ? Un litre de sang ? Il ne s’agit pas de menstruations, tout de même…
M.T : Vous n’allez pas nous berner. Toutes les manœuvres des fausses virginités de Buyenzi, nous les connaissons.
S.T : Cela vous regarde. Notre famille est bien réputée et nos filles se marient toujours pures.
M.T : D’ailleurs, pourquoi le drap n’est pas si blanc ? C’est parce que vous vouliez cacher quelque chose.
S.T : Ne cherchez pas des prétextes. La tâche du sang est là, donc notre fille est vierge.
M.T : On ne peut rien admettre. Donnez-nous le drap, nous allons le montrer à la mère du mari. Pour voir ce qu’elle en pense.
S.T : On ne peut vous le donner, à condition d’y aller ensemble.
M.T : OK, allons-y !

Elles prennent un taxi et se rendent chez ma mère. Lorsqu’elle découvre le drap, celle-ci déclare : « Ceci peut être vrai car la défloraison diffère d’une fille à une autre. Mais aussi ça peut être faux car les fausses virginités font rage. Ceux qui connaissent la vérité, ce sont les mariés eux-mêmes. Permettez que je parle avec mon fils, et l’on saura la vérité ». Elle m’appelle alors et me dit de lui raconter tout de ma nuit de noce. 

– Maman, que veux-tu savoir exactement ?
-As-tu vu le sang ?
-Oui.
-A-t-elle crié ? A-t-elle pleuré quand tu es entré en elle ?
-Oui.
-L’as-tu sentie ou large après la défloraison ?
-Serré.
-Fils, penses-tu qu’elle est vierge ?
-Oui.
-Dans ce cas, prépare un cadeau que tu dois donner à sa mère même.
-Un cadeau ? Quoi encore ?
-Un pagne vrai super.
-Ni hatari.
-Ndo ivo, mon fils, c’est la coutume.
-Mais, maman, juste une tâche sur le drap, c’est ce qui vous permet de statuer sur la virginité d’une fille ?
-Tu ne peux rien comprendre. Félicitations quand même, c’est possible que tu aies épousé une vierge.

 

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