LE JOURNAL.AFRICA

Ma vie de femme trompée

Après qu’on nous ait raconté à quoi ressemble une vie de deuxième bureau, je me suis demandée ce qui se passe chez « le premier bureau », celle qui attend patiemment son homme à la maison.

« C’est surtout pour ne pas perturber l’équilibre des enfants et parce que le divorce ne fait pas partie de mes valeurs que j’ai décidé de rester au foyer », confie Nina*, une jeune femme mariée depuis cinq ans. Et comment l’a-t-elle appris ? « C’est quand j’ai découvert un emballage de préservatif ouvert dans sa voiture que je l’ai su. Mon cœur s’est carrément brisé en deux. Au point où nous en sommes aujourd’hui, ce n’est plus un secret pour personne. Mon mari se pavane dans les lieux publics avec sa maîtresse, tel un trophée », raconte la jeune femme.

Mais la douleur est là, quotidienne, tenace. « Face à cela, j’ai choisi de me taire, de ne pas agir, de continuer à respecter mon mari et d’être au plus près de mes enfants. Cette situation me fait mal, très mal, car elle nous laisse, mes enfants et moi dans la solitude. Je suis humiliée et on me regarde de haut. Malgré tout ça, mon mari rentre chaque soir et il m’a dit que lui non plus n’envisage pas le divorce. Je garde donc espoir qu’un jour, tout ceci ne sera plus qu’un mauvais souvenir. »

Des journées qui se résument à deux choses

Carine*, elle, n’est pas restée silencieuse. Elle a tenu à mener son enquête, pour découvrir que son mari fait vivre sa maîtresse dans un luxe qu’elle, sa femme, n’a jamais connu.

« Quand j’ai découvert qu’il me trompait, je me suis sentie trahie et dupée. Nous venons tellement de loin ! Je vis dans un tourment. Mes journées se résument à deux choses : se lancer des injures avec la maîtresse de mon mari au téléphone ou me disputer avec ce dernier quand il rentre finalement à la maison. « En public, on ne me demande presque plus où il est, tellement on est habitué à me voir seule. Un jour, sous l’emprise de l’alcool, il m’a dit : « Femme, laisse cette fille tranquille ! Elle en a assez de tes injures, laisse-la respirer ». Les enfants le regardaient, aussi confus que moi, se demandant sûrement qui est « cette fille » que papa défend si activement. »

« C’est à ce moment que j’ai réalisé qu’elle m’avait tout pris. Mon mari, mon bonheur, mon foyer, tout. Mais je sais que ceci finira. Il reviendra et il demandera pardon. C’est ce qui se passe dans tous les cas. Quant à elle, que le sort lui rende ce qu’elle me fait subir quand elle se mariera », ajoute Nina tristement.

Pourquoi on reste ?

Selon Toyi Aloys, docteur en sciences sociales, la première raison qui fait que la femme choisit de rester au foyer, c’est parce que son autonomie tant économique que sociale n’est pas garantie. Et aussi parce qu’une femme mariée a déjà été donnée à son mari. Avec toutes les cérémonies autour du mariage, il n’est pas facile de retourner au domicile parental. Elle doit donc gukenyererako car dans l’éducation de la femme burundaise, on lui a appris qu’elle devait toujours alléger les situations. 

Pour Nina et Carine, c’est l’espoir qu’un jour tout ceci finisse qui les fait tenir. Et non, contrairement à ce que pense un « deuxième bureau » ici, la polygamie n’est pas la solution. Pour ces deux jeunes femmes, ce qui t’appartient, t’appartient. Les autres n’ont qu’à chercher les leurs. 

NB : Pour des raisons de confidentialité les noms ont été modifiés

 

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