Le suicide récent de l’adolescente kényane de 14 ans, après avoir été insultée et traitée de « sale » devant ses camarades, pour simplement « avoir eu ses règles en classe et taché son uniforme » m’a rappelé une histoire presque similaire. Même si les conséquences n’ont pas été extrêmes au même titre, il s’avère que nos attitudes ne sont pas toujours anodines. Et si ça changeait ?
2008. Je suis en 10ème de l’école secondaire, dans une école à régime d’internat, à l’intérieur du Burundi. Un jour, en classe, alors que nous allons prendre une pause comme d’habitude, vers 10h30 du matin, après 4h de cours d’affilée, quelque chose retient l’attention de certains. Une de nos camarades de classe reste assise, pendant que d’autres filles s’amassent autour d’elle, comme pour cacher quelque chose.
Au vu de cela, même ceux qui sont sortis reviennent pour voir ce qui se passe, pour trouver que, comme la jeune fille kényane, notre camarade vient d’avoir ses règles en classe ! Quoi de plus normal vous vous dites ? N’est-ce pas là un signe de la bonne santé sexuelle de la jeune dame, peu importe où elle se trouve ?
Sauf que pour notre camarade, les réactions qui s’en suivent sont au mieux indifférentes ; certains d’entre nous ne connaissent pas à l’époque ce que c’est que ces « joies d’être une femme » ; au pire, elles sont railleuses ou à la limite accusatrices : « Comment une fille de 10è ne peut pas savoir quand elle va avoir ses règles et se préparer en conséquence ? ». Ce qui n’aide en rien la fille. Honte et incompréhension. Elle passa d’ailleurs quelques jours sans revenir en classe. Selon un rapport de l’ONU de 2014, une fille sur dix en Afrique subsaharienne a manqué l’école pendant sa période de règles.
Le statu quo, dix ans !
2019. Plus de dix ans après! Vous pouvez vous dire que peut-être ça, c’était l’école secondaire et que c’était l’ « ancien temps ». Seulement voilà, quand j’ai entendu l’histoire de l’adolescente kényane et que je me suis souvenu de celle de mon ancienne camarade de classe, j’ai contacté certains de mes anciens camarades, surtout les garçons… pour trouver qu’on n’avait pas beaucoup changé depuis. « Qu’est-ce qu’on aurait pu faire pour aider ? C’est un truc de filles et c’est à elles de s’occuper de cela», me dira sèchement l’un d’eux.
D’ailleurs à l’époque, seules des filles sont venues à la rescousse de notre camarade. Je me rappelle d’ailleurs que ce sont elles seules qui ont nettoyé la classe, sans l’aide des garçons, alors que normalement, les garçons s’adonnaient également à cette activité. Mais il y a des garçons qui sortent du lot, avec un soutien en demi-teinte.
C’est ce qui est arrivé à Claudia. Un jour, cette jeune fille, la vingtaine, a eu le « malheur » d’avoir ses règles alors qu’elle ne s’y attendait pas. Elle était en sortie avec son petit ami. Elle a donc taché sa robe de sortie ! Heureusement pour elle, son « type » était là et comme par hasard, il avait sur lui son pull-over qu’il prêta volontiers à sa dulcinée pour cacher la tache de sang. Quel soutien de la part d’un garçon pour un « truc typiquement féminin » ! Sauf qu’après cet épisode, le garçon n’a plus porté le pull-over en question…
La démystification du sujet comme solution ?
Bella est une jeune fille, la vingtaine aussi. Pour elle, le premier rôle revient aux filles surtout pour ce qui est de la « démystification » de la chose car, dit-elle : « Nous les filles avons tendance à prendre très au sérieux les règles alors qu’on devrait les considérer comme une étape normale et des plus simples de notre vie ». Toujours selon elle, il faut oser en parler :« Puisque dès lors que le sujet restera un tabou, il suscitera toujours des interrogations et au lieu d’avoir du soutien, on récoltera toujours indifférence et moqueries dues, soit à la gêne, soit simplement au manque d’informations dessus ». Après, dit-elle, « ça me ferait plaisir d’avoir un frère ou un petit ami qui est là, qui m’aide mais surtout qui me comprend dans ce que je traverse et me soutient pour que je ne me sente pas seule ».
Candide ne dit pas le contraire. Elle, qui a souvent des règles douloureuses, dit attendre « que quelqu’un à côté d’elle puisse lui venir en aide pour lui apporter ce dont elle a besoin car parfois, il lui est difficile de s’en procurer ». Même son de cloche chez Anitha pour qui, surtout lors du syndrome prémenstruel avec les changements d’humeur et de tempérament, « rien de plus mieux que d’être comprise et accueillie comme telle dans les changements occasionnés par le cycle menstruel ».