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« Le rêve tanzanien » : faire fortune, peu importe le prix

Face à la pauvreté en milieu rural, migrer fait partie du lot de solutions. La Tanzanie étant une destination proche pour certains Burundais des provinces de l’Est surtout, beaucoup y migrent clandestinement, « kuja gupagasa ». Philippe* de Bweru (Ruyigi), qui a migré de la sorte plus d’une fois, nous expose ce phénomène.

Sur ma colline natale, la pauvreté est une réalité manifeste. Les besoins de la vie quotidienne imposent leur poids. L’agriculture qui devrait être une source de revenu, est en mode de subsistance. La baisse de la fertilité du sol n’arrange pas un meilleur rendement. 

Sous la menace des crocs de la pauvreté et ses problèmes, migrer est pour nous une panacée. Si certains recourent à l’exode rural, nous autres avons opté pour l’émigration vers la Tanzanie, « Kuja gupagasa » comme on dit chez nous.

Bon nombre d’entre nous migrent illégalement. Parmi les raisons avancées, on trouve la courte validité du document d’autorisation de voyager et d’y séjourner (maximum 2 semaines). En plus son octroi est lent.

Nous nous rendons dans ce lieu de travail sous les directives d’un intermédiaire ( mwenyeji en swahili). C’est lui qui maîtrise la route et les régions traversées avec leurs dialectes.

Travaux de longue haleine

La plupart des Burundais se rendent dans la zone rurale de Kigoma. Les activités qui les attirent sont en trois principales catégories : sciage, travaux agricoles et activités pastorales.

Le sciage semble être une poule aux œufs d’or. Mais il exige de la poigne. Les scieurs campent dans de grandes forêts, suant sang et eau sur de gros troncs d’arbre. Après deux semaines de labeur, un scieur peut rentrer avec environ 250.000 FBu.

Pour les activités agricoles, on y va principalement pour le labour de grands domaines de culture extensive. « Iheka » est un mot qui vient de « hectare ». Cette unité de mesure usitée vaut 70m×70m. Cette portion est défrichée pour une somme gravitant autour de 75.000FBu. Les cultivateurs vivent dans des huttes de fortune installées dans les champs, souvent très éloignés des villages. Il y a ceux qui travaillent sous contrat (« mkataba » en swahili)  dans des plantations de tabac, les entretenant jusqu’à la récolte.

Pour les activités pastorales (comme garder les bovins), on travaille aussi sous contrat annuel. Les enfants de moins de dix-huit ans se trouvent dans cette catégorie.

Côté roulette russe

Migrer clandestinement met les aventuriers en situation de vulnérabilité. Ils sont exposés aux problèmes pouvant survenir en cours de route ou lors du séjour.

Par esquive de contrôle, ils ne peuvent pas passer par les grandes routes. Ainsi, ils empruntent des chemins de traverse pas sûrs. Dans ces raccourcis, dont profitent les brigands pour les prendre de court, surtout lors du retour.

Il arrive parfois des cas de non-respect du contrat par le boss. Et dans ce cas, porter plainte est inconcevable. Les accusations de vol sont aussi parmi les menaces auxquelles ils sont exposés.

En cas de contrôle, les forces de sécurité peuvent tomber sur les Burundais en séjour illégal, avec un risque d’incarcération allant de 1 à 2 ans et par après rentrer bredouille.

Pour ma part, j’ai déjà goûté à 6 mois de prison et j’ai rencontré pas mal de Burundais en détention pour cette raison.

Clandestine, cette migration reste un périple rocambolesque où l’aventurier risque gros malgré les bénéfices escomptés. Mais on n’a pas le choix.

* : Nom d’emprunt.

 

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