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Robert Mugabe : que devons-nous retenir de son parcours ?

« Aucun dirigeant ne devrait se permettre n’importe quoi, sous prétexte d’avoir mis sa vie en danger pour libérer et/ou diriger un pays. »

On a tous connu le Mugabe président du Zimbabwe, et certains même comme président de l’Union Africaine en 2015. Ce personnage très décrié qui tenait tête à la « communauté internationale », à commencer par le Commonwealth qu’il décide de quitter en 2003. Mais tout cela n’honore pas le personnage qu’il fut avant d’accéder au pouvoir, bien avant.

Le  « Rwagasore  zimbabwéen »

Mugabe est l’un des leaders majeurs de mouvements indépendantistes africains. À ce titre, il côtoie, sur l’Olympe des leaders africains, les noms comme Rwagasore et Lumumba. Il a été prisonnier politique pendant 10 ans à cause de ses idées nationalistes, avant de s’engager dans une lutte politico-armée. Il ne s’est pas seulement battu pour l’indépendance du Zimbabwe, mais aussi pour la fin de la suprématie blanche sur une terre africaine. Il s’est battu contre un gouvernement blanc, longtemps allié de grandes puissances comme Londres. Sous Mugabe, le Zimbabwe a affiché l’un des taux d’alphabétisation les plus élevés d’Afrique. En cela, Mugabe est véritablement un libérateur et père fondateur du Zimbabwe.

Du héros à la déchéance

La victoire aux élections de 1980 tend à Mugabe les rennes du pays. Son autoritarisme se manifeste dès 1990 quand il essaie d’imposer un régime monopartiste marxiste à son pays, élan qui sera freiné par la chute du mur de Berlin. Il fera en 2003 un éloge à Adolph Hitler en se comparant à lui, devenant par là la caricature parfaite du dictateur africain. Dans les années 80, la « cinquième Brigade », une troupe formée par la Corée du Nord sous les ordres de Mugabe, s’engage dans  un conflit ethnique qui fera entre 20000 et 25000 morts, dont la majorité était issue de l’ethnie ndébélé, Mugabe étant Shona. Ses  réformes agraires faites au dépend la communauté zimbabwéenne blanche n’ont pas empêché l’effondrement de l’économie. Le summum est atteint en 2008 quand l’inflation atteint les 231 000 000% par rapport à 2007. Mugabe, le populiste qui se disait souverainiste, est obligé d’adopter l’usage de monnaies étrangères au Zimbabwe. Mais alors que la population croupit dans le chômage et la pauvreté, Mugabe érige son anniversaire en fête nationale, d’une extravagance sans égale. Son mode de vie bling bling déconnecté de la réalité s’illustre d’ailleurs par le train de vie de sa femme, « Gucci Grace ».

Alors, héros en fin de compte ?

Mugabe me fait penser à un Français, Pétain, dont le rôle dans la Première Guerre Mondiale a été indispensable à la victoire de la France. Il en a été élevé au rang de Maréchal. Mais son rôle dans la deuxième guerre mondiale et sa collaboration avec les nazis ont fait qu’il ait été frappé d’indignité nationale. Dans un contexte tout différent, Mugabe me fait aussi penser à Lance_Armstrong, cycliste américain détenteur du record absolu de sept victoires d’affilée au Tour de France (1999-2005). Rattrapé par une affaire de dopage, il se les ai vus tous retirer. Des comparaisons faciles, pourrez-vous me dire, mais on n’est jamais trop haut pour tomber plus bas que terre, et cela, on devrait tous l’avoir à cœur, nous les Burundais en premier. Du bien, Mugabe en a fait à son pays, et du mal aussi. Il est dur de tout résumer en un texte, mais on ne devrait rien oublier. Et même si un bien peut rattraper et pardonner un mal, je pense qu’un mal peut aussi annuler tout le bien fait avant. Aucun dirigeant ne devrait se permettre n’importe quoi, sous prétexte d’avoir mis sa vie en danger pour libérer et/ou diriger un pays.

Pour le cas de Mugabe, il a combattu un régime où des Blancs faisait du mal aux Noirs, pour instaurer un régime où des Noirs faisaient du mal aux Blancs et aux Noirs. Le combat de Mugabe pour la libération, l’histoire l’a retenu. Mais je ne voudrais jamais que mon fils prenne Mugabe comme un modèle. Parce qu’un héros, on approuve tout de son personnage, et Mugabe, il aura été tout sauf irréprochable.

 

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