Alors que certains pays de l’EAC tendent vers l’interdiction de la friperie, au Burundi, elle gagne au contraire du terrain. Normal, dans un contexte de la déplorable quasi-inexistence de l’industrie textile.
Lundi 26 août, 7h du matin, zone Buyenzi de la commune Mukaza. Le marché le plus connu de la place, celui de Ruvemera pour être précis, grouille de monde. Ce matin, Jonas, vendeur détaillant des chemises de seconde main, a été trop matinal. Il devait se ravitailler à son fournisseur, grossiste : « Tu sais ici, entre vendeurs, on se voue une concurrence sans merci. Si tu veux te procurer d’habits de première qualité, tu ne dois pas être encore au lit à 5 h du matin », explique Jonas, en train d’ouvrir son échoppe. « Un commerce certes fatigant mais qui rapporte et qui fait vivre plusieurs familles », ajoute ce natif de la commune Buraza de la province de Gitega.
Un commerce dans le viseur de l’EAC
Jonas et ses « collègues » le savent. Les pays de l’EAC tendent vers l’interdiction de l’importation de vêtements et de chaussures usagés à l’horizon 2019 pour stimuler l’industrie textile locale. Et des pays comme le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda n’ont pas lésiné. Ils ont déjà commencé à trop imposer les habits d’occasion importés. Ainsi par exemple, le Parlement tanzanien a voté en juin 2016 un budget préconisant la hausse des droits à l’importation sur les vêtements d’occasion en raison de 0,4 dollars américain par kilogramme au lieu de 0,2 dollars initialement prévu. De même , l’Ouganda a également annoncé la hausse des droits de douane sur les vêtements usagés. Le Rwanda de son côté a augmenté les droits d’entrée sur les mêmes articles, passant de 0,2 à 2,5 de dollars américains par kilogramme.
Une tendance qui se heurte à l’opposition des Etats-Unis et qui apparaît à ses yeux comme une violation des termes de l’AGOA (African Growth Opportunity Act) qui stipulent une élimination des barrières au commerce avec les USA. D’ailleurs, sous la pression américaine, le Kenya initialement associé à l’action de ses voisins, a décidé de se rétracter face à la menace de perdre son accès au marché américain.
Et au Burundi ?
Jusque-là aucun vent d’une probable interdiction des fripes, du moins dans un futur proche. Un cadre du ministère du commerce parle au contraire d’un gain énorme provenant de leur commerce. En 2017 par exemple, le pays a importé plus de 6 010,9 tonnes de friperies pour 6,7 milliards de Fbu. En 2018, 11 366,4 tonnes ont été importés pour une valeur de 14,7 milliards de Fbu. Un commerce des plus florissants, ce qui n’est pas sans satisfaire Jonas pour qui « l’interdiction de la friperie est tout simplement impensable pour un pays comme le Burundi ne disposant pas d’industrie textile digne de ce nom ».
Quid de l’industrie textile au Burundi ?
L’idée de créer une usine textile au Burundi est à situer dans les années 1970. Pour être plus précis, le 6 janvier 1972, un accord de coopération économique et technique est signé entre la République Populaire de Chine et la République du Burundi. Cet accord prévoyait un crédit sans intérêt d’un montant de 55 millions de Yuans, soit près de 2,5 milliards de francs burundais de l’époque. Ce crédit devait être donné sous forme d’équipements et de marchandises. Et en 1974, un accord sur la construction d’une usine textile à Bujumbura est signé et sa construction a commencé en 1976 pour se terminer en 1980. Il s’agit ici de l’ancienne Cotebu, l’actuelle Afritextile. La seule et unique industrie textile du Burundi.
Une usine, faut-il le souligner, qui ne produit que des tissus, des pagnes et des essuie-mains pour le moment. Elle ne répond donc pas à la demande des Burundais en vêtements.
Même si les habits de seconde main ont de bons jours devant eux, l’industrie textile locale, si elle venait à être mise en place, serait mieux que la friperie avec à la clé la création d’emplois durables.