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Le poisson, du lac aux marchés : les travailleurs de l’ombre

Avec une production d’environ 20.000 tonnes chaque année, on se demande les vrais acteurs du secteur de la pêche au Burundi. Deux blogueurs de Yaga sont allés sur les traces des pêcheurs et des fournisseurs des poissons du lac Tanganyika. Enquête.

Il est 11h, on arrive au port de Rumonge, le plus réputé parmi les 18 ports disséminés sur le littoral du lac. Un bon nombre des gens sont de retour car cela faisait une semaine que le lac était fermé. Selon le calendrier de pêche, les pêcheurs ont accès au lac pendant 22 jours, tel que consenti entre la fédération des pêcheurs et la direction de pêche du ministère de l’Agriculture, l’élevage et la pêche. Le lac reste fermé pendant sept jours pour permettre la reproduction des poissons.

Dans cette matinée de réouverture du lac, sur la plage, appelée ‘‘Ku mweya’’, les bateaux comme les moteurs sont déjà préparés. Les filets sont étalés un peu partout. ‘‘Abapishi’’, les femmes qui préparent le déjeuner sur les plages, sont déjà aux fourneaux. Certains des pêcheurs prennent leurs repos.

16h, après avoir mangé, les pêcheurs mettent tout le nécessaire (caisses, filets, lampes, essence, repas et autres) à bord du bateau surnommé ‘‘igipe’’ (un nom qui vient du français ‘‘équipe’’ suite au travail d’équipe qu’ils mènent lors de la pêche). Pendant 2 h, 600 bateaux prennent la mer deux à deux et chacun suit une direction bien déterminée selon ses informations. Chaque équipe à bord est composée de 6 à 9 personnes entre 18 ans et 35 ans.

À la recherche du poisson

Au bord de notre bateau, Désiré Ndayishimiye est le capitaine. Il est un des 15 311 personnes recensées en 2015 qui exercent leurs activités de pêche de Kajaga (Mutimbuzi, Bujumbura Rural) à Kabonga (Nyanza-lac, Makamba) sur 18 ports de pêche reconnus sur le littoral du lac Tanganyika. C’est lui qui nous dirige. Après deux heures de navigation, il fait nuit noire, les seules lumières sont les petites lampes à pétrole pour attirer les poissons. Nous sommes à environ de 40 km du port, là où les pêcheurs espèrent trouver beaucoup de poissons. Les deux bateaux se mettent en parallèle. Les pêcheurs jettent leurs filets à 140 m de profondeur dans l’eau. Comme ils sont fatigués par le trajet, ils dorment sauf un qui doit rester au contrôle de la situation et cela à tour de rôle. Dès qu’il aperçoit des bulles d’air dans l’eau, il réveille les autres. C’est le signe qu’il y a des poissons dans le filet. Ils le remontent avec les poissons capturés, souvent de deux espèces : Ndagala et Mukeke, qui représentent 75% de la production de pêche.

Vers 4h du matin, les pêcheurs font le trajet retour pour rejoindre les ports. A cette même heure, Mariam Ngowenubusa, une jeune femme d’une trentaine d’âge, grossiste du poisson quitte chez elle à Kibenga pour se rendre à Kingstar Kanyosha (point de rencontre avec d’autres qui font le même business). Elle prend le bus avec d’autres qui se rendent à Rumonge. Un trajet de deux heures car la route est en mauvais état. Cela est un grand défi pour eux et leur business.

Du lac à la ville

Arrivée au port. L’accueil est chaleureux. Les femmes sont majoritaires dans ce domaine de commercialisation du poisson. Les caisses de poissons sont achetées juste à la sortie du bateau avec des prix concurrentiels. Ensuite, on charge le camion qui va transporter les caisses de poisons à Bujumbura. Cela ça se fait dans les meilleurs délais pour qu’ils ne pourrissent pas par manque de camions et containers frigorifiques.

Bujumbura, dernier point de vente, est d’ailleurs la principale destination de la production halieutique. C’est alors que les détaillants des différents marchés des communes et zones de la capitale viennent les acheter aux grands marchés comme chez Sion et Cotebu.

Si aujourd’hui vous voyez un poisson sur votre assiette, sachez bien qu’il y aura beaucoup de personnes qui ont fourni un grand effort. Selon Vincent Bihimvyumuderi, secrétaire exécutif de la fédération de pêcheurs et des fournisseurs des poissons au Burundi (FPFPB), 11 à 18 pêcheurs en moyenne, meurent chaque année suite aux vents violents, pluies, accidents, kidnapping et vols.

 

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