Mon corps ne m’appartient plus, petit bout de parcelle nationale où chacun a le loisir de donner son avis sur quand, qui, comment, pourquoi devrais-je avoir un autre enfant. Mais ce corps, c’est surtout le mien. Et moi seule.
« Les jeunes d’aujourd’hui, qu’est ce que vous avez à courir derrière les contraceptifs comme ça ? Ne savez-vous pas que c’est un péché ? Pourquoi ne pas suivre la méthode naturelle, telle qu’enseignée à l’église ? Vous ne pensez qu’à chercher l’argent seulement ! ». Elle, c’est ma mère, l’inconditionnelle chrétienne qui me fait ce discours à chaque fois qu’elle en a l’occasion. Quant à la belle-famille, elle commence à penser que je gâche les généreux spermatozoïdes de leur protégé.
Mais dans mon corps de femme, il y a des choses qui s’y passent que je ne peux m’expliquer, et que je ne saurais pas partager aux autres, même s’ils me le demandaient. J’ai 30 ans, mariée, et j’ai une petite fille de 2 ans. Aux yeux de ma famille, et de mes amies, je suis ingrate à la vie. Moi qui ai eu la chance d’avoir un premier enfant, pourquoi ne pas en faire un autre tout de suite, puisque l’autre grandit déjà ? « Tu vas le regretter tu sais, avoir des enfants avec un grand écart d’age fait que tes enfants ne sentent pas connectés, ils ne vont pas jouer ensemble pendant longtemps, et vont grandir dans deux mondes différents », me lance ma copine, qui a déjà trois enfants au bout de 4 ans de mariage, et dit qu’elle n’en a pas encore fini.
Mon corps, mon choix
Dans mon corps d’irrégulière, oui, j’utilise les contraceptifs et j’en ai essayé plusieurs car je ne saurais plus me fier à mon cycle que je ne le contrôle plus. Chaque fois que j’ai un retard des menstrues, aussi léger soit-il, c’est la frustration. Quand j’ai un petit malaise, une envie de vomir, due soit à une intoxication alimentaire, ou autre chose, à la première pharmacie à ma portée, j’achète le test de grossesse, tout en espérant que je me trompe. Non pas parce que je n’ai plus envie d’avoir un petit garçon ou une autre petite fille, mais seulement pas maintenant.
Je me sens incomprise à chaque fois qu’on me demande ce que j’attends pour en faire un autre. À toutes leurs objections, je n’ai rien à répondre. Surtout, j’essaie de ne pas penser aux conséquences néfastes des contraceptifs. Je me rassure en me disant, que de toutes les façons, je ne vivrais pas jusqu’à cent ans. Pour moi, je pense que chaque femme devrait écouter son corps, avant tout, car c’est elle qui subit tout ce qui concerne la grossesse et l’éducation des enfants. Et d’ailleurs, si on s’entend avec mon conjoint sur ce point, qu’est ce que les autres ont à vouloir « régler » ma vie ?
Au-delà du « je »
Le comble pour moi, quand j’y pense, c’est que les femmes jouent un grand rôle dans le sous-développement auquel notre pays fait face, involontairement, et inconsciemment, ou sciemment pour celles qui en ont la possibilité. « Actuellement estimée autour de 12 millions, la population burundaise ne cesse d’aller crescendo. Et d’après les projections de l’ISTEEBU, elle aura doublé en 2050. Normal pour un pays qui affiche un taux de croissance de 2,4 % et un taux de fécondité de 5,5 enfants par femme selon cette même institution. Cette croissance démographie effrénée est une bombe qu’il faut vite désamorcer », tire la sonnette d’alarme un blogueur de Yaga. Je ne vais pas le contredire.
Oups, jetez-moi la première pierre les dames ! Mais réfléchissons un peu. Ces grossesses à répétition égales : nos enfants et nos corps en souffrent, nos carrières professionnelles sont en berne, et n’oublions pas quand plus de la moitié de la population est au repos, le secteur économique en souffre énormément.
Avons-nous tort ? Sommes-nous victimes ? Je pense que les femmes sauront répondre, et mieux se situer, du plus profond de leur utérus..