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Burundi : la vie de calvaire des enfants travailleurs

Anitha* vient juste de fêter ses 14 ans. Originaire de la commune Matongo dans la province de Kayanza, la jeune fille espérait trouver un éden dans la ville de Bujumbura mais s’est rapidement retrouvée en enfer. Nous l’avons rencontrée au centre Sojpae (Solidarité pour de la jeunesse chrétienne pour la paix et l’enfance). Elle raconte.

Quand mon père est mort en 2016, à mes 11 ans, ma mère s’est remariée. C’est le début d’une rude épreuve. Ma nouvelle famille est pauvre, ma maman a 4 enfants et son mari, veuf, a aussi 4 enfants. Nous ne pouvons plus manger à notre faim. Nous n’avons même plus d’habits. C’est ainsi qu’on abandonne l’école un à un. Moi, qui suis l’aînée du côté de ma mère, je vais de temps en temps cultiver des champs d’autrui.

En 2017, une occasion m’est présentée, une connaissance qui travaille à Bujumbura offre de m’aider à trouver un emploi. Je n’hésite pas une seconde. Je demande incessamment à mon amie le jour de notre départ, je suis impatiente. Je veux vite quitter cette misère et revenir « riche ». J’ai hâte de devenir cette belle fille civilisée que ma génération admire, mais avant tout, j’en ai marre de dormir le ventre creux. À ce moment, j’ai 12 ans.

Le paradis rêvé devient l’enfer

Mon amie était en contact avec mon nouveau patron. C’est lui qui va nous attendre à la gare et payer mon ticket. Arrivées à la gare, le calvaire commence. La personne qui devait nous attendre à la gare n’est pas là. Quand mon amie l’appelle, il lui dit de m’amener chez lui et qu’il ne va pas désormais payer mon ticket. « J’ai toujours besoin d’elle mais je ne vais pas payer son ticket. Les nounous, elles pullulent dans les rues de la ville ». Nous n’avons aucun sou sur nous. Mon « amie » menace de me laisser dans les mains des conducteurs de bus qui réclament leur argent, mais je pleurniche comme un bébé abandonné. Elle avance de deux pas et fais demi-tour, prise de pitié. Après plus de trente minutes de négociations, un responsable du parking ordonne qu’on nous libère.

L’amie m’amène chez le dit patron. Découragée, je commence déjà le travail. Ma nouvelle famille est constituée d’un papa, une maman et trois enfants. Les parents sont des commerçants. Ma journée se résume comme suit : à 6h du matin, je me lève. J’apprête les deux enfants et les amène à l’école. Après, je fais rapidement quelques tâches ménagères avant de rejoindre la patronne au marché pour l’aider. À midi moins, je vais prendre les enfants à l’école et prépare le repas de midi. Après avoir endormi les enfants, je retourne aider la maman. Elle ne cesse de m’envoyer pour nous procurer des produits, à pied ou à vélo. 18h ou plus, je rentre pour préparer le repas. Parfois, je suis obligée de faire la lessive pendant la nuit… pour dormir 22h passé, abattue.

Sauvée in extremis

Je m’habitue petit à petit à cette routine pénible. Parfois je sens la fatigue m’affaiblir, mais je garde courage. Du jour au lendemain, mes tâches augmentent et plus elles augmentent, plus j’échoue à les satisfaire. Le patron est insatisfait tout comme la patronne d’ailleurs. Et si ma patronne ne fait que me gronder, le patron lui me gifle.

Un jour, après une longue journée de travail, j’ai réclamé mon salaire. Je voulais fuir cet enfer et j’ai menti que ma mère était malade et que j’avais besoin de rentrer pour la voir. Le patron a refusé mais j’ai insisté. Après, il m’a furieusement frappée arguant que je lui manque de respect. En essayant de fuir, j’ai cogné le mur et je me suis cassé la jambe. J’étais devenue une handicapée, incapable de faire quoi que ce soi. Ni pour moi-même, ni pour sa famille. C’est ainsi que je passe des journées entières enfermée dans la maison. Ma plaie s’infecte. Le patron me donne quelques médicaments que j’ingurgite sans savoir si je guérirais un jour ou pas.

Par miracle, quelqu’un est venu toquer à la porte alors que je suis enfermée dans la maison. J’ai crié au secours, je l’ai supplié pour qu’il m’aide à fuir cet endroit et il a accepté. C’est lui qui m’a emmené au centre Sojpae, et ce dernier m’a accueilli, m’a soigné et est devenu ma seconde famille.

*nom d’emprunt

 

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