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« Les extrémistes ont la mémoire sélective »

On a d’un côté, un bloc de Burundais qui ne retiennent des nombreuses crises burundaises que la souffrance, la persécution et la mort des Tutsi et de l’autre, des gens qui accusent les Tutsi d’être la source de tous les malheurs qu’a connu le Burundi.

Cela fait des semaines que j’entends des audios circuler dans les groupes Whatsapp et qui disent qu’il y a eu un génocide des Tutsis au Burundi en 1993, comparable à celui qui a eu lieu au Rwanda en 1994. Les propagateurs de cette théorie vont jusqu’à dire que le fait que le président Melchior Ndadaye, premier président démocratiquement élu du Burundi, ait dit à ses bourreaux de penser à leurs familles avant de le tuer est un signe qu’il avait préparé le génocide. Drôle, cette manière de faire passer une victime pour un bourreau. À les entendre parler, on dirait que seuls les Tutsi sont morts en 1993 et après, ce qui est loin d’être le cas. Ceux qui répandent ce genre de discours sont ceux que j’appelle les extrémistes Tutsi qui ne retiennent des nombreuses crises burundaises que la souffrance, la persécution et la mort des Tutsi.

D’un autre côté, il y a les extrémistes Hutu. Eux sont très actifs dans certains groupes Facebook, où ils crachent régulièrement leur venin sous pseudonymes. Ils mettent l’accent sur le “génocide des Hutu” de 1972, ils citent les nombreux crimes des Tutsi, dont la cruauté aurait atteint son apothéose avec l’assassinat du président Melchior Ndadaye. L’un d’entre eux a même récemment écrit que les Tutsi sont tellement mauvais qu’ils ont « inventé le SIDA, la syphilis et la blennorragie». Ils vont jusqu’à dire qu’il ne faut jamais accepter qu’un Tutsi revienne au pouvoir, parce que les Tutsi ne chercheraient qu’à massacrer les Hutu. À les entendre parler, on dirait que seuls les Hutu sont morts pendant les nombreuses crises qui ont endeuillé le Burundi.

Je n’ai pas l’intention d’empêcher les uns et les autres de commémorer les leurs qui sont morts et d’exiger que les bourreaux soient punis. Mais je refuse que les gens aient une mémoire sélective pour ne voir que les crimes qui ont touché leur ethnie.

Ouvrir les yeux et sentir la souffrance de l’autre

Si on veut que notre pays soit réconcilié, il faut dépasser la souffrance des “nôtres” pour voir, sentir et comprendre celle des “autres”. Il faut en finir avec cette manie qu’ont certains de nos compatriotes de considérer l’autre ethnie comme maudite, « ubwoko bubi ».  

La vérité est qu’il n’y a pas de bonne et de mauvaise ethnie. Dans chacun d’entre nous, le bien et le mal cohabitent, et chacun décide de faire le bien ou le mal, indépendamment de son ethnie. Ceux qui ont tué les gens d’une autre ethnie ont pris la protection de leur propre ethnie comme un prétexte, comme il y en a qui tuent au nom de leur parti ou de leur religion.  

Vaincre la haine

Il faut que les auteurs des différents crimes soient punis pour qu’ils ne continuent pas à se cacher derrière leur ethnie pour défendre leurs crimes.

En même temps, il faut que chacun fasse un effort pour guérir les traumatismes que les crises ont laissé dans beaucoup de nos compatriotes. Les criminels de tous les bords ont semé la haine, et ils auront gagné si nous entretenons cette haine dans nos cœurs. Si nous ne rêvons que de vengeance, nous serons nous-mêmes des criminels en puissance. Mais si nous décidons d’être des messagers d’amour et de réconciliation pour que le mal qui s’est passé ne se répète plus, nous aurons montré que nous valons mieux que ceux qui ont assassiné nos proches.

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