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Dix expressions héritées de la crise de 2015

Chaque crise connaît ses acteurs, ses tenants et aboutissants, un jargon qui en découle aussi. De nouveaux mots naissent, d’autres prennent une nouvelle connotation. En donner le sens exact devient risqué sans en être l’auteur. Mais une tentative de décryptage aux yeux de ceux qui les entendent pour en faciliter la compréhension ne serait pas malavisée.

La plupart des mots qui sont restés dans les cœurs, les esprits et le langage courant ont été utilisés par le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, pour défendre le mandat du président Pierre Nkurunziza, contesté par une partie de l’opposition et de la société civile. Comme dans toute guerre, seule l’histoire du « vainqueur est écrite ». Le dualisme lexical de ces mots est une réponse aux manifestants et contestataires du mandat en 2015, une volonté affirmée de garder l’hégémonie du parti de l’Aigle. Mais certains vocables, issus des milieux hostiles au pouvoir de Gitega, ont aussi fini par s’implanter dans le langage courant. Florilège

« Caratuvunye ntituzokirekura ». Littéralement, « ça nous a fait peiner, on ne le lâchera pas ». L’expression apparaît dès le début de la crise. Le message est une hyperbole qui s’adresse à ceux qui croient que le parti CNDD-FDD lâchera le pouvoir par un simple claquement de doigts des opposants. Jusqu’ici, l’expression est pleine de sens au regard du combat mené pour accéder au pouvoir et s’y maintenir. La réponse du berger à la bergère, les opposants au régime utilisent l’expression « Carabavunikiyemwo », pour dire ironiquement que « vous avez absorbé le pouvoir à vos risques et périls ». Au CNDD-FDD, l’Aigle, symbole du parti, roi du ciel comme le lion sur terre, reste inatteignable, imperturbable. Pour éviter son courroux, on ne touche pas à son nid, d’où l’expression « Inkona ntiyaruzwa. »

Kuvyonga : provoquer, troubler, sont presque des synonymes avec quelques nuances. Le terme convient à toute la masse qui s’oppose au régime, y compris les membres du pouvoir dont les actions peuvent compromettre le système. Les provocateurs deviennent « abavyonzi », qui malgré un rappel à l’ordre persistent et signent pour s’appeler « ibipinga », « injavyi ». Il faut ainsi les corriger, « gupingura » pour les premiers ou « guhongora » pour les seconds.

Sindumuja : Tiré d’une homélie de Mgr Simon Ntamwana, ce vocable est devenu populaire depuis mars 2015, et sert à désigner tous ceux qui sont opposés à l’ « entorse » constitutionnelle que constitue le troisième mandat.

Kirapanze – Gupanga akarere : si les deux expressions ont été répandues par les militants du parti au pouvoir, elles sont aussi rentrées dans les discussions des Burundais en dépit de leur appartenance politique. Les expressions s’y prêtent dans le monde des affaires et des conventions, des coups bas aussi. Politiquement, « kirapanze » exprime un état d’organisation parfait pour rendre vaines les actions d’ibipinga et abavyonzi. Mais pour y arriver, il faut préparer le terrain, gupanga akarere.

Ndondeza : nom d’une campagne lancée par un activiste burundais en vue de « recenser les disparitions forcées au Burundi », ce vocable s’est invité dans le lexique courant, principalement dans la messagerie privée whatsapp, et sert à demander à un cercle d’amis de rechercher quelqu’un qu’on n’arrive pas à joindre.

Mutama : Ici, le terme ne fait pas référence à l’âge. Il se rapporte à la notion de puissance, un patriarche en quelque sorte. Mais qui est-il exactement ? Le mot est très difficile à appréhender. Il s’emploie pour parler d’une autorité supérieure dans les affaires de l’État. Tout le monde fait allusion au chef de l’État. Le terme est connu du système mais aussi de la population qui n’ose pas nommer le Président par son nom. En parallèle, une autre personnalité, issue du parti de l’Aigle, disposerait d’un grand pouvoir. D’où Mutama 1 et 2.

 

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