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Fouille perquisition ou corruption déguisée ?

Dans certaines circonstances, il est de bon ton d’avoir sur soi un petit billet de 2000 fbu ou 5000 fbu en cas de rencontre malheureuse avec la police. Une habitude qui nous place dans le top des pays les plus corrompus de la planète. Mais…

Il est 6h30 du matin. Je suis sous la douche, en chantant à tue tête, comme la plupart des fois, une chanson gospel. Cependant, un bruit bizarre m’alerte. Cinq secondes de silence et le bruit retentit à nouveau. Quelqu’un toque fort sur la porte et cette façon de toquer m’est familière. C’est la police. Je pense d’abord au carnet de ménage, au reçu des élections 2020. Ouf, on est en ordre.

Je file dans la chambre pour avertir ma sœur de ces visiteurs matinaux. Deux policiers entrent. Ils font le tour de la maison, contrôlent le cahier, vérifient le reçu des élections et s’en vont.

De l’autre côté chez les voisins, d’autres policiers font la « fouille ». Là-bas habitent de jeunes étudiants en provenance de la capitale politique. Et cette petite famille panique dès qu’elle entend la police toquer. Et pour cause, la petite sœur qui vient d’intégrer l’Université n’est pas encore inscrite dans le carnet de ménage. L’aîné de la famille sait déjà qu’on ne s’explique pas avec la police les mains vides et prévoit un billet de 5 000. Heureusement la présence de l’ « irrégulière » n’est pas remarquée mais leur domestique ne sauvera pas le billet de 5 000 prévu pour les policiers. Il a hébergé son collègue « kaheze » (au chômage, NDLR)  et les policiers vont en profiter.

Menacé d’être emprisonné, le jeune étudiant en Bac 2 et aîné de la famille essaie de négocier pour qu’on ne l’emprisonne pas. Aux 5000 fbu prévus, il ajoutera un autre billet jaune pour faire le triple. Et comme si cela ne suffisait pas, le policier, espiègle, lui lancera avant de partir : « Aha urabitoye sha urazi ko mwe muri bwa bwoko bubangamiwe » ( Tu es intelligent. Tu sais que tu fais partie de l’ethnie menacée, NDLR).

Personne ne sort sauf celui qui sait négocier…

7h10. Je prends ma route vers le boulot. Au sortir du quartier, je croise deux hommes en uniforme militaire. « T’es qui toi? », me fait l’un d’eux d’un ton moqueur et regard intimidant.

« Qui suis-je? », me demande-je à mon for intérieur. « Pourquoi cette question? ». Je m’approche. Mon petit bonjour n’a pas de réponse, mais bon… « Tu vas où comme ça, tête haute comme si tu n’étais pas concernée? », ajoute-t-il  « Je vais au boulot », murmuré-je. «Retourne alors à la maison, t’as eu la malchance de terminer les études, je te croyais étudiante».

J’hésite un moment entre négocier et rebrousser chemin mais pourquoi suis-je la seule à faire demi-tour? Apparemment les autres passent. «Il y a des exceptions et tu n’es pas notre superviseur, fous le camp!», me crie l’un des policiers, agacé par ma petite question insolente.

Je m’éloigne à pas de tortue, fais un tour à la boutique et constate amèrement je viens de signer mon retard parce que je n’ai pas su bien négocier mon passage.

Où va le pays à ce rythme ?

Selon le rapport de Transparency international, le Burundi est classé parmi les dix pays les plus corrompus dans le monde. Certains diront que ce rapport est biaisé mais comme le disait le héros de l’indépendance, «vous nous jugerez par nos actes!».

D’un conducteur sans documents, d’un jeune qui veut une attestation de la police judiciaire illico au patient qui veut être hospitalisé sans avoir des connaissances, des fouilles sans carnet de ménage, la corruption semble être devenue un remède à tout. Qu’allons-nous léguer à nos enfants qui nous voient brandir un billet à chaque fois que la police nous interpelle ?

 

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